Dans quelques jours, le 1er janvier 2021, Neuchâtel deviendra la troisième plus grande ville romande, passant ainsi devant La Chaux-de-Fonds et Fribourg. Au terme d’un long processus de fusion avec Corcelles-Cormondrèche, Peseux et Valangin initié en 2014, le nombre des habitants de la nouvelle commune atteindra 45 000 personnes. Ce cap sera dignement fêté le 31 décembre avec La Grande Noce, une soirée réunissant une large palette d’artistes neuchâtelois. Covid oblige, l’événement sera uniquement virtuel, diffusé sur la chaîne de télévision régionale Canal Alpha et le site www.neuchatelville.ch.

Qu’importe le contexte sanitaire compliqué, les autorités sont «au taquet» pour reprendre l’expression de Violaine Blétry-de Montmollin, la première présidente de la commune fusionnée. Ce mardi matin, le Conseil communal (exécutif) in corpore a présenté en conférence de presse le lancement du tout-ménage d’information N+, ainsi que la nouvelle identité visuelle de la ville: un N majuscule ouvert, qui remplace le logo des trois galets hérité en 2003 d’Expo.02.

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«Notre capitale cantonale est prête à assumer encore davantage son rôle de moteur de l’agglomération et à rayonner au-delà des frontières cantonales», s’est encore enthousiasmée l’élue PLR. Pour Violaine Blétry-de Montmollin, ce statut de troisième ville romande servira à mieux positionner la commune – et avec elle le canton – sur la carte du pays: «Cela nous permettra d’être plus visible dans les médias et de peser dans une organisation telle que l’Union des villes suisses.»

Genève et Lausanne loin devant

S’il reconnaît «l’aspect symbolique de ce troisième rang», le géographe Patrick Rérat, auteur du livre Dynamique territoriale de la région urbaine de Neuchâtel, en relativise la portée: «Genève et Lausanne sont très loin devant. Et, avec 45 000 habitants, Neuchâtel ne se retrouvera pas dans les dix plus grandes villes du pays et demeure, par exemple, plus petite que sa voisine Bienne. Mais peut-être que cet agrandissement lui permettra de se distinguer des villes romandes de 30 000 habitants, comme Sion, Fribourg, Vernier ou Yverdon.»

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Rappelant que des fusions d’une telle ampleur sont rares, le professeur à l’Université de Lausanne relève que l’aboutissement du processus à Neuchâtel est «un signal fort». «C’est la marque d’un certain dynamisme de la ville, la preuve de sa capacité à se réinventer», observe Patrick Rérat. Ce que confirme Didier Boillat, seul conseiller communal n’habitant pas la ville de Neuchâtel, mais Corcelles-Cormondrèche: «En tout, 22 conseillers communaux et plus de 200 collaborateurs ont travaillé sur cette fusion, cela a abouti à plusieurs innovations, comme la mise sur pied d’un dicastère centré sur le développement technologique ou la création d’assemblées citoyennes.»

Déséquilibre dans le canton

Observateur avisé de la vie politique de son canton, l’ancien président du Conseil national, Claude Frey, qui fut conseiller communal à Neuchâtel durant seize ans, chargé de l’urbanisme, «attend pour voir, comme saint Thomas»: «Une fois qu’on a dit qu’on était la troisième ville romande, on a tout dit et rien dit. J’espère que la fusion créera des synergies positives. Mais pour moi, davantage que le nombre d’habitants, c’est la défense d’une université forte ou le maintien d’une riche vie culturelle qui feront rayonner Neuchâtel.»

Surtout Claude Frey appelle à une certaine retenue, s’inquiétant d’une possible exacerbation des tensions régionales toujours latentes entre Montagnes et Littoral: «Il y avait jusqu’ici une forme d’équilibre: La Chaux-de-Fonds était la ville la plus peuplée, Neuchâtel la capitale cantonale. Aujourd’hui, cette dernière est plus dynamique, mais elle ne doit pas oublier que durant longtemps c’est l’industrie chaux-de-fonnière qui a nourri les fonctionnaires neuchâtelois.»

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Du côté de la cité horlogère, le nouveau conseiller communal Jean-Daniel Jeanneret se montre fair-play. «Cette fusion à Neuchâtel est cohérente, elle se déroule dans un espace urbain homogène. L’expérience politique doit même être assez grisante. Même si de notre côté ce n’est pas agréable de perdre ce petit avantage. Nous aimions bien moucher les gens en leur disant qu’il méconnaissait la troisième ville romande», reconnaît celui qu’on a surnommé «Monsieur Unesco» pour avoir dirigé la campagne en vue de l’inscription au patrimoine mondial. Il note au passage que sa ville avait déjà quitté le podium romand il y a une année au profit de Fribourg (qui mène actuellement son propre projet de fusion avec huit communes).

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Quant aux dissensions entre le Haut et le Bas du canton, «souvent folkloriques, parfois bien réelles sur certains dossiers politiques», Jean-Daniel Jeanneret ne croit pas que la fusion de Neuchâtel va changer le rapport de force qui se joue davantage, selon lui, entre deux bassins de population qu’entre deux villes. Il conclut sous forme de boutade que «la prochaine fusion devrait se faire entre La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel». Mais il ne plaisante pas complètement: «Avec la nouvelle liaison directe, le trajet entre les deux sera de quatorze minutes, c’est moins de temps qu’il n'en faut pour traverser Lausanne en M2.»