«Une élection, ça peut se jouer sur un coup de dés», aime à répéter Nicole Baur. A ce jeu-là pourtant, la Verte neuchâteloise a connu plusieurs désillusions, échouant notamment à trois reprises – parfois de très peu – à faire son entrée au Conseil national.

Le 25 octobre dernier, les dés se sont enfin montrés favorables. A l’aube de ses 60 ans, la déléguée pour l’égalité du canton a été élue au Conseil communal (exécutif) de Neuchâtel. «Je ne vois pas ce succès comme une revanche, confie-t-elle, quelques jours après son entrée en fonction au 1er janvier. Je ressens juste du plaisir à me lancer dans cette aventure.»

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Le plaisir est d’autant plus grand qu’il était inattendu. En 2016, Nicole Baur démissionnait en effet du Conseil général de Neuchâtel, choisissant de tourner le dos à la politique. Dernière de la liste écologiste aux élections fédérales quelques mois plus tôt, elle n’a jamais caché son amertume.

«J’étais très déçue», confirme-t-elle aujourd’hui. L’échec n’est pas que personnel. L’UDC avait progressé de manière significative et la délégation neuchâteloise à Berne ne comptait plus aucun écologiste ni aucune femme. Difficile à encaisser. «Pour moi, c’était une évidence, le train était passé.»

Et le train est repassé…

Contre toute attente, le train est repassé. Et cela ne doit rien au hasard. La fin de la décennie est marquée par la montée des revendications autour du réchauffement climatique; la jeunesse descend dans la rue pour défendre son avenir. Le 14 juin 2019, ce sont les femmes de tout le pays qui font grève. Le mouvement #MeToo ébranle le patriarcat et l’écriture épicène fait des émules. L’histoire rattrape la Neuchâteloise: «Tout ce pour quoi je me suis battue si longtemps est devenu légitime.» Autre satisfaction, à l’échelle de son canton, l’éclatante victoire des Verts aux fédérales de 2019, avec la surprise Céline Vara, dont elle est proche, au Conseil des Etats.

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Les écologistes neuchâtelois ont le vent en poupe, mais manquent de relève. Pour les élections communales de juin 2020 (repoussées en octobre pour cause de covid) en ville de Neuchâtel, ils vont chercher Nicole Baur. Elle n’a rien à perdre et décide de sortir de sa retraite politique. Le 25 octobre, les Verts échouent à gagner un deuxième siège à l’exécutif.

Mais sa collègue de parti, la sortante Christine Gaillard, trébuche à la suite d’une affaire liée à la gestion du service des bâtiments. «Un coup de dés, encore une fois», relève Nicole Baur. Pouvant s’appuyer sur un groupe important au Conseil général – les Verts ont devancé le Parti socialiste – cette dernière prend la tête du dicastère de la famille, de la formation, de la santé et des sports. Elle se réjouit de pouvoir y poursuivre certains dossiers qu’elle a menés au niveau du canton dans les domaines de la politique familiale et de l’égalité.

Il semble loin le temps où, en 2007, Nicole Baur devait quitter la présidence des Verts vaudois, contestée car jugée trop profilée sur la question de l’égalité homme-femme. On lui reprochait également une certaine inexpérience. De vives tensions secouent les écologistes vaudois, fruits d’une guerre d’ego et d’ambitions en marge des élections fédérales.

«C’était une erreur de prendre ce poste à ce moment. Je n’ai pas vu les pièges, j’étais en effet inexpérimentée», reconnaît-elle. Avant de préciser: «Inexpérimentée en politique.» Car celle qui avait rejoint l’Etat de Vaud en 2004 en tant que collaboratrice personnelle du conseiller d’Etat François Marthaler a connu plusieurs vies auparavant, notamment dans les médias et l’humanitaire.

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Née à Bienne d’un père cheminot et d’une mère femme au foyer, Nicole Baur se lance dans le journalisme après des études en sciences politiques à l’Université de Lausanne. Elle fait ses premières armes à la Radio du Jura bernois (RJB), puis au Journal du Jura, avant de devenir pour deux ans la correspondante de la radio-télévision romande dans cette région. En 1988, elle réalise son rêve, devenir déléguée du CICR. Elle y assure deux missions, intenses, dans un Salvador déchiré par la guerre civile, puis à Jérusalem, où elle sera responsable de la zone de Hébron, en pleine intifada.

Première présidente des Verts vaudois

A son retour en Suisse, elle s’installe dans le canton de Vaud, où elle intègre pour onze ans la RSR. Spécialiste de politique fédérale, elle mènera notamment l’émission Forum. Au fil des années, l’envie grandit cependant de n’être plus seulement une observatrice. Elle veut s’engager pour des causes comme l’environnement et l’égalité. Elle s’inscrit chez les Verts vaudois, dont elle devient en 2006 la première présidente, la section cantonale ayant jusqu’alors fonctionné avec une direction collégiale. Une année après, c’est la désillusion.

En 2008, suite à une annonce parue dans la presse, elle se porte candidate à la direction de l’Office cantonal neuchâtelois de la politique familiale et de l’égalité (OPFE). Le conseiller d’Etat Jean Studer l’engage. «Ce fut une bouffée d’oxygène», raconte-t-elle. Nicole Baur s’installe avec ses trois enfants sur les bords du lac de Neuchâtel. Elle est rapidement conquise par la ville, ses habitants, et s’impose rapidement comme la «Madame Egalité». «Je suis plus Neuchâteloise que je n’ai jamais été Vaudoise, sourit-elle, c’est aujourd’hui ma région.» Une région qui l’a définitivement adoptée en l’élisant à l’exécutif de la ville.


Profil

1961 Naissance le 8 février à Bienne.

1988 Déléguée du CICR au Salvador et en Israël.

1990 Journaliste à la Radio romande.

2006 Présidente des Verts vaudois.

2008 Cheffe de l’Office neuchâtelois de la politique familiale et de l’égalité.

2020 Election au Conseil communal de Neuchâtel.


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