C’est une débâcle historique pour une section cantonale de l’UDC, du jamais vu ces deux dernières décennies en tout cas! En ce dimanche 2 avril, le parti neuchâtelois a vu sa députation au Grand Conseil fondre de moitié, perdant 11 de ses 20 sièges. Au lendemain de la catastrophe, les langues se délient et désignent l’un des responsables du désastre: le président Yvan Perrin. Après sa démission du Conseil d’État pour cause de burn-out en 2014, l’ancien policier vit un nouveau cauchemar politique.

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Ses amis les plus proches connaissent le scénario par coeur. Lorsque plus rien ne va, Yvan Perrin se met aux abonnés absents. Ce lundi, il était inatteignable, alors que tout le monde tentait de le joindre. A défaut, c’est Gabriel Lüchinger, le nouveau secrétaire général de l’UDC nationale, qui devait expliquer l’inexplicable. «Cette défaite est dramatique, mais elle offre aussi la chance d’un nouveau départ», déclare très diplomatiquement l’ancien attaché militaire de l’ambassade de Suisse à Abu Dhabi.

Grandeur et décadence

Gabriel Lüchinger a vécu le drame en deux actes. Dans l’après-midi, il était présent au stamm de l’UDC neuchâteloise, au restaurant du «Vignoble» à Peseux. C’est là qu’il a pris note, sans trop de surprise, du mauvais score des trois candidats UDC dans la course au Conseil des Etats. Mais il avait déjà quitté les lieux lorsqu’il a appris le vrai naufrage, celui de la députation au Grand Conseil. «Nous allons analyser ce résultat. Il faut discuter de tout, y compris de la présidence».

Grandeur et décadence: s’il est un homme qui a incarné l’UDC neuchâteloise entre ces deux pôles, c’est bien Yvan Perrin. Alors inspecteur de police, le conseiller communal de la Côte-aux-Fées rencontre un jour le président de l’UDC suisse Ueli Maurer dans les couloirs du Palais fédéral à Berne. Le futur conseiller fédéral voit vite en lui l’homme qui va l’aider à monter une section à Neuchâtel, dernier canton où l’UDC n’est pas présente. Bingo! Bien que timide et souvent en proie au doute, Yvan Perrin envoûte les médias par son charisme et sa faculté à lâcher la phrase qui fait mouche. Il est élu au Conseil national en 2003 et sous son impulsion, l’UDC décroche 17 sièges en 2005 au Grand Conseil. Pour une première, c’est un coup de maître.

Dix ans plus tard, c’est la chute. Malgré des problèmes psychiques qu’il ne cache pas, Yvan Perrin est élu au Conseil d’État avant de devoir démissionner, dépassé par la fonction. Mais il rebondit et reprend la présidence de l’UDC cantonale en 2016. C’est lui qui devait relancer un parti en perte de vitesse. Il a échoué sur toute la ligne.

Dépassé par la fonction

«Il n’y a plus de pilote dans l’avion», déplore le conseiller national Raymond Clottu, qui accuse la direction du parti d’avoir failli à ses responsabilités. «La relève existe, mais elle est mal encadrée», ajoute-t-il. A l’UDC, nombreux sont ceux qui pointent le doigt sur ce «manque de gouvernance» et qui désignent parfois un possible successeur: Walter Willener, le dissident du parti radical en 2001 et homme de la première heure de la section neuchâteloise de l’UDC. «Je suis très intéressé par ce défi à relever, mais je ne sais pas si j’en ai vraiment envie», confie-t-il au Temps.

Alors coordinateur de l’UDC pour la Suisse romande, Claude-Alain Voiblet avait dirigé la campagne de la section cantonale en 2013, qui s’était conclue par un gain de six sièges au Grand Conseil. Selon lui, la section neuchâteloise souffre de deux maux: un manque de dynamisme des membres de la députation, mais aussi une forme de «schizophrénie». «Ce sont des gens qui partagent les valeurs de l’UDC suisse, mais qui craignent de déplaire à l’élite neuchâteloise car ils veulent en faire partie», diagnostique-t-il. Claude-Alain Voiblet se rappelle qu’en 2013 déjà, l’espoir Xavier Challandes avait menacé de rejoindre le PLR s’il ne pouvait pas briguer la présidence du Grand Conseil!

Dynamique négative

Difficile de dire désormais si le désastre de la section neuchâteloise provoquera une dynamique négative pouvant se répercuter sur les élections cantonales vaudoises. Philippe Miauton, secrétaire général du PLR, et Kevin Grangier, son homologue de l’UDC, n’y croient pas. Les deux partis font liste commune pour renverser la majorité de gauche au Conseil d’État. «Je ne sens pas de bouleversements en vue», note le premier, qui ajoute que la configuration est tout à fait différente en terre vaudoise. «L’assise de notre parti, fondé en 1921, est beaucoup plus ancrée dans la population qu’à Neuchâtel», confirme Kevin Grangier.

«Nous avons 27 sièges au Grand Conseil et notre but est d’en gagner le plus possible», ajoute-t-il. Un objectif qui n’est pas impossible à atteindre: des élections cantonales de 2013 aux fédérales de 2015, l’UDC avait progressé de 18 à 21% en parts de suffrages dans le canton de Vaud.