Oubliée et même exorcisée, la votation de triste mémoire du 23 septembre 2012, lorsque les Neuchâtelois rejetaient le Transrun à 50,3% (pour 418 voix). Ce dimanche, ils ont plébiscité le programme «Mobilité 2030", à 84,2%, par 54 664 voix contre 10 277, avec une participation de 49,1%.

Les erreurs de 2012 ont été corrigées: plus question de ne focaliser l’attention que sur une ligne ferroviaire souterraine à construire entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, plus question de proposer un programme jugé hors de prix pour un canton en délicatesse avec ses finances, plus question de «politiser» un grand projet pour s’en prendre aux autorités. Autour du gouvernement et notamment du ministre Laurent Favre qui a parfaitement manœuvré, les Neuchâtelois avaient décrété l’union sacrée, au point de ne pas avoir d’opposant déclaré.

Un total de 2,5 milliards au devis

Le projet adopté ce 28 février inclut toujours la ligne ferroviaire directe entre le Haut et le Bas, pour un coût de 900 millions, mais il comprend aussi le projet d’autoroute de contournement de La Chaux-de-Fonds et du Locle (1 milliard), la rénovation du réseau routier cantonal, un véritable RER ferroviaire et de la mobilité douce. Le tout pour 2,5 milliards de francs, dont 2 milliards sollicités auprès des fonds fédéraux, Forta pour les routes et FIF pour le rail.

La réalisation, à l’horizon 2030-2035 des projets ferroviaires et routiers dépend désormais de feux verts des Chambres fédérales. A ce titre, davantage encore que la votation cantonale sur la mobilité, c’est l’attitude des Neuchâtelois vis-à-vis du deuxième tube routier au Gothard qui a retenu l’attention. Neuchâtel a accepté la construction, de justesse, à 50,6%, pour 657 voix. Une décision tactique importante: un refus aurait heurté la conseillère fédérale Doris Leuthard et de nombreux parlementaires fédéraux. Non seulement Neuchâtel soutient très massivement de nouvelles infrastructures de transport sur son territoire, mais il a joué habilement en ratifiant aussi le projet national au Gothard.

A nouveau, «un canton en marche»

Neuchâtel apparaît ainsi, de nouveau, comme «un canton en marche», se réjouit la présidente du Conseil d’Etat, Monika Maire-Hefti. Laurent Favre, de son côté, salue la maturité des Neuchâtelois qui, au-delà d’un programme généreux de mobilité, ont accepté de dépenser, entre 2020 et 2030, 110 millions de francs pour préfinancer la ligne ferroviaire.

«Nous avons passé les qualifications, il reste la finale à gagner», dit encore le conseiller d’Etat PLR. Avec les parlementaires fédéraux, il devra poursuivre l’intense travail de lobbying auprès des instances fédérales, administratives, gouvernementales et parlementaires. Pour faire aboutir, au Conseil des Etats dès la session de mars, la reprise de 370 kilomètres de routes cantonales par la Confédération avec la création du fonds Forta. Puis pour convaincre une majorité de la population suisse que c’est une bonne solution. Les contournements routiers des villes du Haut du canton de Neuchâtel pourront alors devenir réalité.

L’autre étape majeure interviendra en 2019, lorsque les Chambres fédérales sélectionneront les projets ferroviaires à inscrire dans le projet FAIF 2030. «Un tel résultat, ce dimanche, constitue un argument majeur», se réjouit Laurent Favre.


Commentaire : un pas dans le 21e siècle

Parce qu’il exporte sa production industrielle, Neuchâtel est confronté aux défis économiques de la mondialisation et de l’innovation. De fait, il est un canton moderne. Pourtant, il reste politiquement conservateur, englué dans ses luttes régionalistes et la défense d’acquis d’un autre âge. Y pratiquer des réformes est une gageure.

Comme une hirondelle ne fait pas le printemps, une votation aussi réussie et nette soit-elle que celle de ce 28 février sur la mobilité ne garantit pas la pourtant nécessaire révolution culturelle. Peut-être l’annonce-t-elle tout de même. Tout autant qu’il accroît les chances de Neuchâtel d’accéder aux fonds fédéraux, le scrutin donne une claire orientation vers le changement. Une fois n’est pas coutume, les Neuchâtelois ont fait confiance à leurs autorités. Le message du gouvernement voulant faire du canton un espace unique semble passer. Vaumarcus n’a pas d’intérêt direct dans le programme de mobilité, il l’a pourtant soutenu à 93,7%.

D’autres scrutins, précédés de débats parlementaires, sont au programme des prochains mois. Tous proposent à Neuchâtel de s’inscrire dans la modernité du 21e siècle. Dans des domaines sensibles, comme la réorganisation spatiale hospitalière ou l’ambitieuse intention d’élire les députés au Grand Conseil à l’échelle du canton et plus des districts. Les résultats ne seront pas aussi larges que pour le programme de mobilité que Laurent Favre a admirablement ficelé. Mais s’ils sont positifs, conformes aux justes options du gouvernement, Neuchâtel sera alors vraiment entré dans le 21e siècle. Ce dimanche, le peuple a clairement opté pour la modernité. A certaines autorités, locales ou parlementaires, d’en tirer les leçons, elles qui ont la fâcheuse tendance à entretenir le conservatisme.