Roland Nötzel, l'homme qui vous convaincra de vous installer à Neuchâtel

«Bonjour, comment allez-vous? Et où habitez-vous?» La formule est rituelle pour Roland Nötzel, devenu le premier délégué à la domiciliation du canton de Neuchâtel – et de Suisse – en octobre 2019. «Cette question surprend toujours, mais elle me permet de comprendre les motivations de mes interlocuteurs à habiter dans la région, à la quitter ou à venir s’y établir», rigole-t-il dans la majestueuse salle Philippe-de-Hochberg, au cœur du château de Neuchâtel.

Comprendre. Un mantra pour celui qui a la lourde tâche de transformer en cercle vertueux une spirale négative observée entre 2017 et 2020, période durant laquelle Neuchâtel a perdu 2677 habitants, soit environ 1,5% de sa population. La tendance s’est inversée pour la première fois l’an dernier, avec un solde positif de 210 personnes. «C'est un signe positif, lâche-t-il, mais il faut rester humble pour ne pas tomber dans l’immobilisme.»

Destinée tardive

Costume noir, chemise bleue, cheveux gris impeccablement coiffés, l’homme est avenant, un brin espiègle. En cette fin d’après-midi ensoleillée de février, les fenêtres situées dans son dos offrent une vue imprenable sur la zone piétonne de Neuchâtel, le lac et les Alpes. «Quand je veux convaincre quelqu’un de venir s’installer dans le canton, je l’emmène ici. C’est difficile de résister à un tel panorama, non?»

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Sa carrière démontre son aversion pour la stagnation. Licence d’économie politique de l’Université de Neuchâtel en poche, Roland Nötzel enchaîne dès 1990 les fonctions de cadre dans l’agroalimentaire (Kraft Jacobs-Suchard, Knorr, Roland Murten), la cosmétique (L’Oréal), la pharma (Novartis, Vifor Pharma), avant de devenir consultant indépendant en 2011. «Les occasions ont été nombreuses de payer mes impôts ailleurs, mais j’ai toujours gardé mon domicile fiscal à Neuchâtel, comme si mon destin m’y attendait.»

Ce destin le rattrape en 2019, lorsque sa femme lui transmet une offre d’emploi: le canton de Neuchâtel recherche un délégué à la domiciliation. «Je n’avais pas vu passer l’annonce, car je ne cherchais pas de travail, confie-t-il un peu emprunté. Je me suis immédiatement senti appelé. J’ai un lien émotionnel très fort avec cette région où j’ai grandi.» De sa petite enfance, il garde des souvenirs olfactifs. L’odeur du malt et du houblon de l’ancienne brasserie Müller, à Neuchâtel, où il allait chercher son père à la sortie du travail. Celle des effluves de la chocolaterie Suchard, lorsque le vent soufflait dans la bonne direction.

Retour au recrutement, durant lequel les candidats doivent rédiger en quatre heures un projet pour attirer de nouveaux habitants. «Plus les minutes passaient, plus je me disais que je voulais absolument ce job. J’y ai mis tout mon cœur, même si du haut de mes 55 ans, je voyais mes chances un peu réduites. Lorsque j’ai appris que j’étais retenu, ma joie a été d’autant plus grande.»

Intarissable sur son canton et son travail, on lui confierait son certificat de domicile sans confession. Avant de se rappeler que l’on a face à nous un homme rompu à la vente. Peut-on vendre un canton comme on vend des biscottes? La question le fait rire. «C’est un raccourci, mais l’état d’esprit est le même. Les Neuchâtelois et les nouveaux arrivants sont des clients du canton. Il faut leur offrir le meilleur produit et de bons services pour que jamais ils n’aient envie de changer de marque.»

Il insiste également sur l’importance de l’image. «Neuchâtel a de très nombreux atouts, mais a longtemps souffert de son taux de chômage, de sa fiscalité, etc. Des problèmes liés à l’une ou l’autre personne au sein du gouvernement durant une brève mais intense période autour des années 2010 ont aussi pu ternir la réputation du canton. Cela appartient fort heureusement au passé, et l'on voit qu'une action gouvernementale collégiale efficace, dépassant les clivages partisans ou de personnes, peut améliorer fondamentalement les conditions-cadre. Ce qu’il faut retenir, c’est que si certains habitants en ont marre et s’en vont, c’est en raison de la conjonction de nombreux facteurs.»

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Pour mieux les cerner, Roland Nötzel a mis en place un système de relevé des départs et des arrivées dans les communes. «C’est le seul moyen de sortir des analyses qui relèvent du café du Commerce», s’amuse-t-il. Il a également multiplié les rencontres avec des entreprises. «C’est très important d’impliquer les acteurs privés pour en faire des ambassadeurs. Derrière chaque emploi, il y a un projet de vie. Si leurs employés viennent s’établir près de leur lieu de travail, ils auront plus de temps pour s’épanouir, s’intégrer dans la vie locale, et seront davantage motivés.»

A l’écoute, mais discret

Les personnes qui ont collaboré avec Roland Nötzel le disent dynamique, à l’écoute, mais aussi discret. Certains regrettent que sa stratégie n’ait encore donné lieu qu’à peu d’actions visibles. «Je préfère le travail de l’ombre aux coups d’éclat. Les effets positifs de cette phase exploratoire seront amplifiés lorsque la stratégie élaborée sera déployée à grande échelle, avec de premières échéances ces prochains mois», assure-t-il, droit dans ses bottes et son fauteuil.

S’est-il fixé un objectif en termes de croissance démographique? «Revenir au niveau de la moyenne suisse serait suffisant. Ce développement doit se faire de manière harmonieuse pour profiter d’abord aux Neuchâtelois.» Lui, en tout cas, a définitivement trouvé sa place dans le canton. «Si on me laisse aller au-delà de la retraite, je me vois bien rester en poste pendant vingt ans!»

Profil

1965 Naissance à Neuchâtel.

1988 Licence en économie politique à l’Université de Neuchâtel.

2006 Reprend la direction de Roland Murten AG, revendue par le groupe Valora à un concurrent en 2009.

2011 Devient indépendant dans le développement de personnes et d’organisation.

2019 Devient, en novembre, le premier délégué à la domiciliation de Suisse.

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