Triste journée à La Chaux-de-Fonds. Un drame familial impliquant trois personnes s’est produit mardi matin à la rue de la Serre, selon un communiqué de la police cantonale neuchâteloise. Un homme de 54 ans a blessé à la main son fils âgé de 24 ans à l’arme blanche avant d’enlever sa femme, 52 ans, dont il avait l’interdiction de s’approcher depuis peu. A son domicile a été retrouvé un mot laissant entendre qu’il souhaitait mettre fin à ses jours. L’homme et son épouse sont tous deux établis dans la métropole horlogère.

Alertées par la centrale d’urgence du 144 à 5h50, les forces de l’ordre ont déployé un important dispositif de recherche, impliquant «l’ensemble des patrouilles et des spécialistes de la police neuchâteloise, les polices des cantons voisins, l’Office des douanes et de la sécurité aux frontières, ainsi que la gendarmerie française». Vers 8h50, un véhicule a été retrouvé à une centaine de mètres en contrebas du point de vue des Roches-de-Moron, qui surplombe le Doubs. A son bord, deux personnes grièvement blessées, dont l’auteur présumé, inconscient.

«La Rega et les spécialistes du GRIMP (Groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux) ont été mobilisés en raison de la configuration escarpée du terrain. Les deux personnes ont été héliportées à l’Hôpital de l’Ile, à Berne. La femme en début d’après-midi, et l’homme quelques heures plus tard. Il est trop tôt pour dire si leur pronostic vital est engagé», indiquait au Temps la police cantonale neuchâteloise peu avant 18h00. Le jeune homme de 24 ans a quant à lui été acheminé à la Clinique de la main, à Lausanne. Ses jours ne sont pas en danger.

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Une plainte avant le drame

En charge de l’enquête, le procureur Nicolas Aubert indique au Temps qu’au vu du lieu où le véhicule a été retrouvé, «la thèse de l’accident est très peu probable». Il précise également les circonstances qui ont précédé ce drame: «L’interdiction de périmètre a été prononcée samedi matin. Elle faisait suite à une plainte déposée en fin de semaine dernière par l’épouse du prévenu, en raison de violences sexuelles et de menaces de violence et de mort.»

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Comment expliquer qu’un tel drame, qui rappelle tristement le féminicide survenu en octobre 2019 à Courfaivre (JU), ait pu se produire dans de telles circonstances? «La police et la justice disposent de tout un arsenal de mesures pour essayer de juguler au mieux les violences conjugales, répond Nicolas Aubert. Elles doivent les utiliser avec le plus de cohérence possible en fonction de ce qui est prévisible au moment où les faits sont rapportés.»

Dans ce cas, l’homme n’avait aucun antécédent et n’avait jamais été condamné, poursuit le procureur: «Si cela avait été le cas, il aurait pu être placé en détention provisoire. Il y a une gradation des mesures en fonction de l’évolution de la situation. Des milliers de dossiers similaires sont traités chaque année en Suisse sans que ce genre de drame ne se produise. L’humain étant ce qu’il est, il y a toujours une part d’inconnue, de la surprise. En l’occurrence, une très mauvaise surprise.»

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«Il est impossible d’atteindre un risque zéro»

Responsable du Service d’aide aux victimes neuchâtelois (SAVI), structure para-étatique qui traite chaque année environ 600 dossiers de violences domestiques, Sophie Aquilon insiste sur le fait que ce n’est pas la responsabilité des autorités judiciaires qui est en cause, mais celle d’un individu. «Les mesures d’éloignement permettent avant tout de signifier une frontière à la relation pour une personne auteur. En cas de non-respect, elle est rappelée à l’ordre. D’un point de vue légal, il y a une proportionnalité à respecter et on ne peut pas mettre tout le monde en prison sous prétexte qu’il pourrait être dangereux.»

Elle constate que dans les rares cas où une issue dramatique se produit, il n’y a souvent aucun antécédent, ce qui limite les possibilités de prévention: «Ce d’autant plus que l’escalade de la violence peut s’avérer très rapide et imprévisible. Et puis comment juger qu’une première plainte présente plus de risque qu’un dossier contenant déjà de nombreux éléments? C’est très délicat.»

Y a-t-il cependant un manque de prise de conscience politique qui permettrait de réduire encore les risques? «Je ne crois pas. La Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique a été ratifiée en 2018 par la Suisse. Chaque canton doit évaluer les mesures existantes et les pistes à suivre pour améliorer la prise en charge de la violence domestique. Les accents doivent se mettre sur la prévention et la sensibilisation. Il est malheureusement impossible de tout contrôler et d’atteindre un risque zéro.»

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