Le moment a été soigneusement choisi. Peu après l’adoption claire, à 84% en votation populaire le 28 février du programme de mobilité. Et alors que le débat fait rage sur deux autres projets phares du canton, qui font souffler un vent de révolte dans les Montagnes (la réforme hospitalière et le projet de circonscription électorale unique). Le gouvernement neuchâtelois sort de sa botte le NHOJ, nom de code pour nouvel hôtel judiciaire, à construire La Chaux-de-Fonds pour près de 50 millions.

C’est pourtant un vieux projet. Les réformes fédérales des procédures de justice ont conduit les autorités neuchâteloises à envisager, dès 2007, le regroupement des tribunaux de première instance (66 EPT) ainsi que le Ministère public (36 EPT), aujourd’hui éparpillés sur sept sites dans le canton. En 2011, l’ancien ministre Jean Studer faisait voter un crédit d’étude au Grand Conseil, pour réaliser un hôtel judiciaire à La Chaux-de-Fonds, à l’époque estimé à un peu plus de 20 millions.

Coût plus que doublé

En mars 2016, le gouvernement entièrement renouvelé demande de libérer un crédit de 48,5 millions pour un «bâtiment phare, moderne, sobre mais de belle allure», à deux pas de la gare de La Chaux-de-Fonds, dans le quartier en construction Le Corbusier. Pourquoi un coût plus que doublé? Parce que le bâtiment a vu ses dimensions élargies – «Il faut utiliser au maximum le potentiel constructible dans cet espace urbain», justifie Alain Ribaux. Un parking pour 6 millions a été ajouté et le bâtiment respecte les normes Minergie-P.

Avec solennité, le ministre Alain Ribaux défend l’impérieuse nécessité de réaliser le NHOJ. Parce que la justice neuchâteloise en a besoin, les infrastructures dans lesquelles travaillent les procureurs et les juges ne sont plus adaptées. «Les gens sont entassés», dit le ministre.

Pôle judiciaire à La Chaux-de-Fonds

Le gouvernement brandit encore un «pôle judiciaire» à La Chaux-de-Fonds avec la police, le service d’exécution des peines, une prison préventive et les services de probation. «Il en va de la sécurité publique et de la cohérence de la chaîne pénale», affirme l’ancien juge Ribaux.

Les arguments sécuritaires et judiciaires sont une chose, le contexte politique en est une autre. L’hôtel judiciaire à La Chaux-de-Fonds, c’est l’investissement emblématique dans les Montagnes, avec transfert d’emplois (80 procureurs, juges et agents administratifs devront monter à La Chaux-de-Fonds), d’un gouvernement qui prône «un canton – un espace» et, à ce titre, prévoit de centraliser les soins hospitaliers aigus à Neuchâtel. Comme si on offrait un hôtel judiciaire contre un hôpital. Encore que ce deal apparent ne soit pas correct, puisque HNE prévoit lui aussi de construire un nouvel hôpital de réadaptation dans le Haut du canton.

Le NHOJ canalisera-t-il le vent de fronde qui souffle dans les Montagnes? Le gouvernement l’espère.

Le projet judiciaire pose pourtant un problème susceptible de le faire péricliter: son coût. L’UDC a déjà affirmé que le canton n’avait pas les moyens de se le payer. La question du coût sera au centre des débats au parlement, en juin ou après les vacances. La majorité qualifiée de 69 députés sur 115 est requise. L’UDC a déjà menacé de lancer le référendum en cas d’acceptation.

Devant le peuple avec la réforme hospitalière?

Il serait piquant que, le même dimanche, durant le premier semestre 2017, les Neuchâtelois soient appelés à accepter (ou refuser) un nouvel hôtel judiciaire à La Chaux-De-Fonds et la réforme spatiale hospitalière. A moins que ce ne soit la stratégie du gouvernement, comptant sur le bon sens des Neuchâtelois et voulant surfer sur la spirale positive du oui très net au projet de mobilité.