«Un canton, un espace.» C’est le leitmotiv d’un Conseil d’Etat neuchâtelois globalement bien noté, dont la réélection au printemps 2017 ne devrait pas faire de pli. Dans un canton géographiquement et historiquement morcelé, où le Haut et le Bas se livrent une paralysante lutte d’influence et d’ego, le gouvernement s’est ainsi fixé un objectif vital: réaliser des réformes pour que le canton de Neuchâtel soit un espace unifié.

Il a réussi le coup d’essai, avec le programme «mobilité 2030», validé par 84,2% des votants le 28 février. D’autres réformes prévoyant une organisation cantonale plutôt que par régions sont en cours d’examen et divisent: pour une justice de première instance centralisée à La Chaux-de-Fonds dans un nouvel hôtel judiciaire à construire pour 48,5 millions; pour la centralisation hospitalière avec les soins aigus à Neuchâtel et la réadaptation à La Chaux-de-Fonds.

Un canton qui doit se rassembler

Pour le Conseil d’Etat, au-delà des dossiers spécifiques, Neuchâtel a besoin d’une réforme politique et institutionnelle: il lui faut un autre mode d’élection du parlement que l’actuel, qui s’effectue dans six circonscriptions que sont les districts. «Ce projet de circonscription unique est la clé de voûte, le symbole d’un canton qui, pour exister, doit se rassembler, se rapprocher et avoir conscience de constituer un seul espace, argumente le conseiller d’Etat PLR Alain Ribaux. C’est un esprit que nous voulons transmettre, l’intérêt supérieur du canton.»

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L’espoir du gouvernement, c’est que pour accéder au parlement, un député aura besoin de suffrages provenant de l’ensemble du canton. Une telle exigence développera une conscience cantonale, en opposition avec l’actuelle défense, parfois exclusive, d’intérêts spécifiques d’un électorat local.

Rejet des partis non-gouvernementaux

La partie n’est pas gagnée. Craignant de perdre en influence – diverses simulations démontrent pourtant l’inverse –, les petits partis neuchâtelois, non-gouvernementaux, rejettent la réforme. Cela va de l’UDC au POP en passant par les Verts et certains vert’libéraux. Mais une majorité de députés devrait se dégager des deux principaux groupes, socialiste et libéral-radical, les deux partis qui occupent les cinq sièges du gouvernement.

Ce n’est pourtant pas l’enthousiasme. Le débat parlementaire promet d’être tendu, car la réforme institutionnelle se double d’autres postulats: une diminution de 115 à 90 députés (certains groupes demandent de s’en tenir à 100), l’allongement à cinq ans de la législature, l’abandon des apparentements électoraux, la réduction de 10 à 6, voire à 3% du quorum électoral, l’incompatibilité pour un élu professionnel communal d’être député cantonal ou encore la possibilité de cumuler un candidat sur une liste électorale (actuellement interdit).

Nécessaire cure de jouvence

La façon dont le Grand Conseil traitera la réforme institutionnelle dira, en fait, le besoin de changement. Même s’il se porte mieux depuis 2013, le canton de Neuchâtel traîne des casseroles institutionnelles. Le gouvernement a pris conscience de la nécessité de s’extirper des guéguerres intestines. Mais les communes et le Grand Conseil peinent à prendre de la hauteur et à s’imprégner des bienfaits de l’intérêt cantonal, fût-il parfois, en apparence et dans l’immédiat, au détriment d’un confort local suranné.

Le Grand Conseil a ainsi besoin d’une cure de jouvence. Son élection dans une circonscription unique et la réduction d’effectifs pléthoriques ne peuvent qu’y contribuer. Le parlement rendrait un bien mauvais service à un canton qui doit relever de grands défis financiers et pour ses infrastructures, s’il campait sur un mode électoral plus que centenaire (6 circonscriptions depuis 1912) et un effectif à 115 députés arrêté en 1961.