Débat sur les réexportations d’armes
Un des points de friction touche aux livraisons d’armes, les services d’Ignazio Cassis proposant d’autoriser la réexportation du matériel de guerre déjà livré à des pays étrangers. Or la mesure semble éprouver quelques difficultés au sein du collègue gouvernemental. Ce n’est pas forcément étonnant: la gauche n’aime guère les ventes d’armes, et l’UDC souverainiste plaide depuis le début du conflit ukrainien pour une neutralité stricte. A ce titre, le positionnement de Guy Parmelin, ministre de l’Economie et interlocuteur de l’industrie d’exportation, comportera un intérêt certain.
La question a créé la controverse dans le contexte de la guerre en Ukraine. L’Allemagne et le Danemark en savent quelque chose: Berne leur a rappelé qu’ils n’étaient pas autorisés à livrer à Kiev des munitions helvétiques. En effet, un Etat ayant acheté de l’armement suisse n’a pas le droit de le réexporter dans un autre pays, pour éviter d’impliquer militairement la neutre Confédération. Pour changer cela, la «neutralité coopérative» propose de permettre aux «Etats partenaires» de réexporter, sous certaines conditions.
Porté par Ignazio Cassis, ce concept de neutralité prévoit davantage de collaboration avec les autres pays pour défendre les valeurs partagées par la Suisse. Outre les ventes d’armes, Berne se donnerait une plus grande marge de manœuvre pour l’application de sanctions, l’autorisation de transit de parties non en conflit et se concerterait davantage avec l’UE et l’OTAN dans le domaine du droit de la neutralité.
Mauvais moment?
Au-delà de ces points précis, le rapport du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) soulève des commentaires plus généraux. Dans les départements fédéraux, certains estiment que le moment est mal choisi pour revisiter la politique de neutralité: «On ne change pas les règles du jeu pendant une crise.» D’autres craignent de se lier les mains en définissant un concept détaillé, et de ne plus être en mesure de réagir avec souplesse lors de la prochaine crise. L’adjectif «coopérative» est aussi questionné. Sans oublier les chantres de la neutralité intégrale, comme l’UDC, totalement opposée aux sanctions contre la Russie.
Les partis politiques ne se privent pas d’étaler leurs réflexions et revendications en la matière. Dernier en date, le Parti socialiste vient de rédiger un papier de position, dont Le Temps a pris connaissance.
La formation à la rose y déroule certains classiques de son programme. Elle appelle à s’engager davantage et à investir en faveur du multilatéralisme, de la paix, des énergies renouvelables, et de la lutte contre la pauvreté ou le blanchiment d’argent. Elle refuse l’adhésion à l’alliance militaire OTAN, mais plaide pour un resserrement de la coopération avec l’Union européenne. Une idée formulée alors que le PS demeure tiraillé en politique européenne entre son aile syndicale et sa frange europhile.
Le Conseil fédéral va au-devant d’une discussion animée. Le sujet est sensible. Va-t-il classer le rapport dans un tiroir? Ou lancer des modifications législatives pour concrétiser la nouvelle neutralité? C’est l’un des enjeux.