«Le nomade vieillit mieux»
vieillissement
Christian Lalive d’Epinay, sociologue à l’Université de Genève, pionnier en Suisse dans l’étude du grand âge
«Beaucoup de recettes pour bien vieillir relèvent de la poudre de perlimpinpin. Les conseils que l’on peut donner sont assez simples. Le nomadisme: utiliser son corps, sa tête, sa curiosité. S’ouvrir au monde, et tenter d’être en paix avec soi-même. Reconsidérer sa mémoire, se débarrasser des jugements de soi. Dans notre enquête, nous constatons aussi que les personnes arrivées au grand âge qui disent avoir un ami intime, ont meilleur moral. On croit que vingt ans est le meilleur âge. Mais à cette période, on rencontre des problèmes aussi, notamment pour s’insérer dans le monde du travail.
Notre longévité est due à l’amélioration de nos conditions de vie sur plusieurs siècles, et aux progrès de la médecine. La Suisse se trouve dans une situation privilégiée, parce qu’elle n’a pas été frappée par les guerres mondiales. Mais je suis de ceux qui pensent que ce processus est réversible. Les crises que l’on connaît aujourd’hui remettent en question les acquis dont dépend l’amélioration de nos conditions de vie. En Allemagne, une étude récente montre que l’espérance de vie des populations les plus pauvres a baissé au cours des dernières décennies. L’allongement de vie, tel qu’on le connaît, dépend d’une économie qui fonctionne et d’une politique redistributive. Or, on coupe dans les crédits sociaux. On voit émerger toujours plus de chômeurs et de travailleurs pauvres. Même si la Suisse est plutôt épargnée par la crise, rien n’est acquis définitivement.»