Des trois candidats au Conseil fédéral, le Tessinois Norman Gobbi est, à 38 ans, le deuxième plus jeune, après Thomas Aeschi, mais probablement le plus atypique: représentant de la Lega au gouvernement cantonal, il est en lice pour l’UDC.

Sa candidature soulève deux questions récurrentes. Est-il un vrai UDC et saura-t-il représenter les intérêts de la Confédération, et non pas seulement ceux d’un Tessin fermé sur lui-même et hostile tant aux «baillis» de Berne – pour reprendre une expression de la Lega – qu’à ses voisins italiens.

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Tombé dans la marmite

Issu d’une famille traditionnellement libérale-radicale, Norman Gobbi est tombé dans la marmite de la politique quand il était petit. Déjà à l’école, il se passionnait pour les débats sur les thèmes en votation populaire, indique-t-il sur son blog. A 18 ans, il devient membre de la toute jeune Lega, encore absente dans sa région d’origine, la Lévantine – où est situé le club de hockey d’Ambri-Piotta –, et à 19 ans seulement, il entre au Conseil communal de Quinto.

La résistance du mouvement de Giuliano Bignasca à l’adhésion de la Suisse à l’EEE a sans nul doute été déterminante dans son choix. Souveraineté, indépendance et liberté de la Suisse sont des valeurs qui lui tiennent à cœur et qui le rapprochent de l’UDC, ainsi qu’il le relève volontiers.

Le jeune Norman Gobbi sera plus tard élu en 1999 au Grand Conseil tessinois, qu’il présidera pendant un an par la suite, à la municipalité de Quinto, en 2008, puis, deux ans plus tard, au Conseil national où il ne restera qu’un an jusqu’à son entrée au gouvernement cantonal en avril 2011, permettant à la Lega d’obtenir une majorité relative au Conseil d’Etat avec deux ministres. Quatre ans plus tard, il est réélu brillamment.

Déclarations intempestives

Responsable du Département des institutions, il a fait de la sécurité du territoire et de la migration ses chevaux de bataille, adoptant une ligne plutôt dure qui ne peut que plaire à l’UDC. L’attention des médias, en particulier au nord des Alpes, s’est focalisée sur quelques initiatives ou déclarations intempestives au caractère retentissant, comme la requête d’un extrait du casier judiciaire aux citoyens étrangers, ou l’intention de fermer les frontières pour arrêter le flux migratoire.

Mais l’actuel président du gouvernement cantonal ne s’en est pas tenu aux actions fracassantes et médiatiques. Il a mené la réorganisation de la police cantonale – dont il a obtenu l’augmentation des effectifs – et des structures carcérales, et a développé les collaborations avec les polices communales et gardes-frontière. Sous son impulsion, le canton a également légiféré sur le hooliganisme et la prostitution. Il a aussi fait le ménage au sein de son département, et se vante d’avoir engagé ses collaborateurs pour leurs compétences et non pas pour leur appartenance politique.

Veine sociale

Dans les rapports avec l’Italie, Norman Gobbi se trouve également en parfait accord avec l’UDC. Sa défense sans concession des intérêts du Tessin a déjà mis le Conseil fédéral en difficulté, notamment lorsqu’il a prôné l’arrêt des négociations sur l’accord fiscal avec l’Italie – le Tessin se sentant lésé sur la question des frontaliers –, ou réclamé à deux reprises le blocage du remboursement des impôts à la source des frontaliers italiens pour faire pression sur Rome. Il avait été suivi la première fois, en 2011, par le Conseil d’Etat.

J’aime la franchise et les personnes qui ont des positions claires, définies, qui ne tournent pas autour du pot

Néanmoins, sur les questions de politique sociale et économique, il s’inscrit, tout comme la Lega, dans une veine plus sociale que l’UDC: il est favorable à une caisse maladie unique, à la création de logements à prix modérés et à un engagement majeur de l’Etat contre le dumping salarial, mais contre l’augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans. A Blick, qui lui reprochait d’être trop à gauche pour l’UDC, Norman Gobbi a rétorqué qu’il était «fédéraliste» et adepte de «solutions régionales, loin des dogmes politiques».

Norman Gobbi ne mâche pas ses mots quand il parle, et ne prend pas de gants quand il agit, toujours soucieux d’aller droit au but: «J’aime la franchise et les personnes qui ont des positions claires, définies, qui ne tournent pas autour du pot», déclare-t-il sur son blog. Car selon le ministre léguiste, qui se définit comme une personne pragmatique et orientée vers la recherche de solutions, il est plus facile de discuter avec des adversaires qui annoncent la couleur.

Déclarations 
controversées

Norman Gobbi s’est distingué par quelques déclarations controversées sans concertation préalable du Conseil d’Etat et pour lesquelles il s’est fait parfois remettre à l’ordre par ses collègues. Critiqué par certains pour un manque de collégialité, il s’est toutefois employé, en tant que président du gouvernement, à développer les moments de partage et de dialogue: il a réintroduit les dîners communs du Conseil d’Etat le mercredi, et instauré des rencontres régulières avec les présidents des partis et des groupes parlementaires.

Trilingue, maîtrisant aussi le suisse allemand, le candidat tessinois de l’UDC se dit convaincu de pouvoir «construire des ponts entre les régions linguistiques, et entre la Suisse et les pays voisins». Ce que contestent vigoureusement ses détracteurs, tels l’avocat et ex-procureur du canton Paolo Bernasconi, ennemi déclaré de la Lega. Comment un politicien prônant la «discorde» entre la Berne fédérale et l’Italie ou l’étranger en général peut-il représenter la Confédération, demande l’ancien magistrat dans une lettre ouverte adressée à l’Assemblée fédérale.

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Marié et père de deux enfants, Norman Gobbi est un bon vivant appréciant la bonne chère («120 kilos répartis sur 185 centimètres», dit-il). Il a abandonné les patins à glace pour le tir sportif, tout en restant fan inconditionnel d’Ambri-Piotta, et adore la montagne. En 1997, il a commencé des études de sciences politiques à Zurich, avec l’intention de devenir diplomate. Il a ensuite étudié la communication à l’Université de Lugano. A l’armée, il a le grade d’officier.