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Le nouveau média Republik se dévoile

Le magazine alémanique online, lancé grâce à un financement participatif, publie ses premiers contenus. Il promet à ses abonnés trois articles par jour: enquêtes, éclairages sur des thèmes politiques ou rebonds d’actualité – sans publicité

De droite à gauche, six membres fondateurs du média en ligne zurichois Republik: Christof Moser, Constantin Seibt, Clara Willemin, Nadja Schnetzler, Susanne Sugimoto et Laurent Brust, avec le journaliste Guenter Wallraff (deuxième depuis la droite). — © Siggi Bucher / Keystone
De droite à gauche, six membres fondateurs du média en ligne zurichois Republik: Christof Moser, Constantin Seibt, Clara Willemin, Nadja Schnetzler, Susanne Sugimoto et Laurent Brust, avec le journaliste Guenter Wallraff (deuxième depuis la droite). — © Siggi Bucher / Keystone

A l’heure où le bruit et la fête s’emparent de la Langstrasse, dans le quartier rouge de Zurich, la rédaction de Republik, installée dans l’ancien hôtel Rothaus, apportait la touche finale à la première édition du nouveau média en ligne. La pression est énorme, à la mesure des attentes. Voilà plusieurs mois que les meneurs de ce projet promettent bien davantage qu’un média: un nouveau modèle, à même de «sauver le journalisme».

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Désormais, le mystère est levé, les premiers contenus sont en ligne depuis dimanche sur un site épuré et élégant. On y trouve des sujets de fond: une analyse sur la transformation du réseau social Facebook en «machine de manipulation». Une interview d’une neurolinguiste sur la rhétorique de Donald Trump. Ou encore une chronique sur la propagande populiste, mettant en parallèle les débats sur la réforme fiscale américaine avec ceux autour de l’initiative «No Billag».

Enquêtes, analyses et débats

Une douzaine de rédacteurs entre 30 et 50 ans se sont associés au projet lancé par les journalistes Constantin Seibt, 51 ans, et Christof Moser, 38 ans. Parmi eux, certains noms bien connus outre-Sarine, comme Daniel Binswanger, qui a quitté son poste confortable de chroniqueur à Das Magazin pour rejoindre la start-up médiatique. «J’avais envie de contribuer à un projet qui incarne l’avenir du journalisme, plutôt que d’attendre, résigné, la prochaine vague de licenciements», explique le Zurichois.

Faire du journalisme hors des grands groupes de presse qui concentrent et restructurent: cette idée fait office de leitmotiv au sein de la petite équipe. Elle suscite quelques grincements de dents chez ceux qui voient d’un mauvais œil la rhétorique «donneuse de leçons» du nouveau venu. Elle attise aussi l’enthousiasme: Republik a reçu entre 200 et 300 candidatures, pour n’en retenir que 30.

Nous nous donnons trois à cinq ans pour atteindre le seuil de rentabilité. Pour cela, il nous faudra entre 22 000 et 25 000 abonnés à 240 francs par an

Le pure player promet trois sujets par jour – grandes enquêtes, éclairages sur des thèmes politiques, chroniques ou rebonds sur l’actualité – financés sans publicité. La rédaction se profile en voix critique, en opposition aux forces populistes et autoritaires, mais conteste l’étiquette de «média de gauche». Elle met en avant la variété des profils de ses rédacteurs, de l’ancien journaliste de l’hebdomadaire de gauche WOZ Carlos Hanimann à l’ex-rédacteur en chef de Finanz und Wirtschaft, Mark Dittli. Son nom fait référence à la République helvétique de 1798, qui marque le début de la Suisse moderne et l’avènement de nouveaux droits – dont la liberté de la presse.

Survie assurée pour deux ans

Au printemps dernier, Republik a réalisé un grand coup en pulvérisant le record suisse du montant levé par financement participatif: 3,5 millions de francs grâce à plus de 15 000 donateurs. A cela s’ajoutent les contributions, équivalentes, d’investisseurs privés – dont les frères zurichois Meilis, l’entreprise de textile saint-galloise Mettis AG ou encore le patron d’une entreprise immobilière. Avec un financement de démarrage à 7 millions, l’existence du titre est assurée pour au moins deux ans.

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Le plus dur, pourtant, reste à faire: convaincre les abonnés initiaux de renouveler leur confiance dans un an. Et attirer de nouveaux lecteurs. «Nous nous donnons trois à cinq ans pour atteindre le seuil de rentabilité. Pour cela, il nous faudra entre 22 000 et 25 000 abonnés à 240 francs par an», souligne Nadja Schnetzler. Pour s’assurer de répondre aux attentes de son public, le média, organisé en coopérative, entend instaurer un dialogue permanent avec les lecteurs, via des débats en ligne et des événements destinés à faire vivre les thématiques abordées dans le magazine.

Des chefs en alternance, tous le même salaire

«Nous devons aussi expliquer aux lecteurs pourquoi nous décidons de parler de tel ou tel sujet et comment nous faisons notre travail», souligne Christof Moser. Transparence: le mot imprègne jusqu’au mode de fonctionnement de la start-up. Le salaire des membres de l’entreprise est connu, il est le même pour tous: 7560 francs net, auxquels s’ajoute une prime de 250 francs par enfant. La rédaction en chef fonctionnera en alternance: tous les trois mois, une nouvelle personne prendra la tête de l’équipe, secondée par un adjoint qui deviendra chef à son tour trois mois plus tard, «pour éviter qu’une seule personne ne marque trop fortement la ligne du journal», souligne Nadja Schnetzler. Les journalistes ont installé leurs bureaux dans d’anciennes chambres d’hôtel avec douche et WC. Symbole d’un journalisme propre, aime souligner Constantin Seibt, jamais à court de métaphores.