«Le nouveau tunnel de Gothard sera un facteur de croissance pour toute l’Europe, y compris la Suisse»
Suisse - Union européenne
L’Union européenne salue le plus long tunnel ferroviaire du monde et promet de terminer les voies d’accès en Italie et en Allemagne dans les plus brefs délais. Violeta Bulc, commissaire aux Transports explique

La commissaire Violeta Bulc, chargée des Transports, représentera l’Union européenne (UE) à la cérémonie d’inauguration du nouveau tunnel du Gothard le mercredi 1er juin. L’ancienne femme d’affaires slovène salue d’emblée l’oeuvre monumentale qu’offre la Suisse à l’Europe. Dans une interview accordée au Temps, elle affirme que le continent en profitera largement en termes de connectivité et de la décarbonisation du transport.
Le Temps: Que représente le tunnel ferroviaire du Gothard pour l’Union européenne?
Violeta Bulc: L’UE félicite la Suisse qui a complété le projet à l’heure, tout en maîtrisant le budget. La bonne coordination et la bonne gouvernance en matière de gestion de projets sont des aspects critiques que nous devons apprendre de votre pays. J’espère qu’à l’avenir, l’UE sera aussi efficace. Mais par-dessus tout, c’est une œuvre importante qui compte beaucoup pour l’Europe en termes de connectivité et de la décarbonisation des transports. Nous touchons là au coeur même des objectifs de la Commission Juncker qui en a fait ses priorités. En fin de compte, le nouveau tunnel sur l’axe Rotterdam/Anvers-Gênes qui s’ouvre aussi sur l’Adriatique, sera un facteur de croissance en Europe.
- Mais de votre côté, les voies d’accès en Allemagne et en Italie ne sont pas encore prêtes…
- Il y a en effet quelques délais, mais ils ne sont pas importants. Nous allons accélérer les travaux. C’est dans l’ordre des choses que nous remplissions nos obligations dans le cadre du Gothard. Cela dit, la responsabilité d’aménager les voies d’accès revient aux Etats concernés. La Commission peut donner un coup de main en termes de coordination et de compétence. Mais effectivement, nous devons, à Bruxelles, veiller à ce que les Etats, l’Allemagne et l’Italie en occurrence, entendent notre message.
- Vous parliez des infrastructures comme une des priorités…
- Elles sont indispensables pour le bon fonctionnement du marché unique dont la Suisse fait partie. Nous avons plusieurs projets que nous voulons terminer le plus tôt possible. Sachez que le plus grand montant du budget européen est consacré aux infrastructures. La Commission y consacre 20 milliards d’euros, mais les besoins financiers sont estimés à 700 milliards. A nous de motiver les investisseurs pour compléter le financement.
- Mais de nouveau, vous dites que les infrastructures sont prioritaires, mais vous avez déjà pris du retard dans le tunnel de Brenner en Autriche, qui concerne aussi l’axe Nord-Sud…
- Selon mes informations, les travaux avancent plutôt bien. Près de dix kilomètres étaient déjà achevés en novembre 2015. Nous devons effectivement adopte la recette suisse afin de respecter les délais. Cela sera possible si les objectifs sont clairement définis. La Commission doit évaluer l’avancement des travaux tous les deux ou trois ans et retirer le financement européen si les objectifs ne sont pas atteints.
- Qu’en est-il de l’ambition européenne de transférer le transport des marchandises de la route au rail? Est-elle encore valide?
- Absolument. Nous avons neuf projets de corridors qui nous permettraient d’aller dans cette direction. Ils participeront pleinement à la décarbonisation des transports. A présent, les routes émettent 72% du gaz carbonique au sein de l’UE et le transport des marchandises y représente 42%. Par ailleurs, nous cherchons, dans le cadre de l’Union énergétique, non seulement de diversifier nos sources d’approvisionnement, mais nous voulons aussi augmenter la part des renouvelables. A présent, le transport routier représente 34% de l’ensemble de l’énergie consommée en Europe. Nous avons donc tout à gagner à développer le rail qui est largement électrifié et qui tourne surtout aux renouvelables.
- Le développement du rail est, en lui-même, tout un programme en Europe, non?
- Absolument. Ce secteur souffre beaucoup du manque de dynamisme et de libéralisation. Avec le quatrième paquet du rail qui a été adopté il y a six semaines, nous allons de l’avant avec la modernisation de ce secteur clé. Il compacte 11 000 règles nationales en 300 règles européennes et vise la standardisation des installations. A l’avenir, il ne faudra pas changer de locomotive lorsqu’on arrive aux frontières. Nous allons aussi de l’avant avec la séparation entre services et infrastructures. On peut vraiment affirmer que les trains n’ont pas été gérés en Europe dans un esprit de concurrence.
- Avez-vous trouvé une solution sur le litige sur la redevance sur le trafic des poids lourds obligatoire pour circuler en Suisse, que les camionneurs européens jugent excessive?
- Les règles ou les coûts fixés pour utiliser les infrastructures d’un pays sont fixés par les autorités nationales. Pour notre part, nous pouvons intervenir seulement s’ils sont discriminatoires ou ne sont pas proportionnels par rapport à la facilité en question.
- Sur un plan plus global, comment se portent les relations bilatérales Suisse-UE, plus particulièrement sur le différend lié à la libre circulation des personnes?
- Nous avons une bonne collaboration avec la Suisse sur les transports. Nous travaillons aussi régulièrement ensemble dans le cadre de la conférence alpine qui inclut aussi les pays qui ne sont pas membres de l’UE. Pour ce qui est de la libre circulation, les décisions seront prises à un autre niveau. Mais pour ma part, je suis favorable à éliminer les frontières, à réunir les populations et à assurer une bonne collaboration avec les Etats, y compris la Suisse qui est notre voisine. L’avenir ne se trouve pas dans l’isolement et il nous appartient à chacun de nous de gérer nos peurs.