Pour les partisans de l’énergie éolienne, c’est une petite victoire, mais elle est importante. Les citoyens de Sainte-Croix, dans le Jura vaudois, ont accepté par 1103 voix pour contre 966 l’installation de six hélices sur le territoire communal. Ce vote consultatif constitue le premier soutien populaire à l’énergie éolienne en Suisse: l’an dernier, deux communes jurassiennes avaient refusé la construction de turbines sur leur sol. La participation s’est élevée à 59,4%.

Le scrutin s’est peut-être joué juste avant Noël. A la demande de la municipalité, Romande Energie a accepté de renoncer à une hélice (de sept à six), augmentant la distance entre la première installation et le centre du village de 1000 à 1300 mètres. «Cela a sans doute joué un rôle important», souligne son directeur général, Pierre-Alain Urech. Autre paramètre important: la commune de Sainte-Croix encaissera une redevance standard de 3% sur le chiffre d’affaires du futur parc éolien. Cela représente une centaine de milliers de francs par an.

Le responsable du cinquième fournisseur d’électricité de Suisse insiste sur l’importance de ce résultat: «En 1999, les habitants de Sainte-Croix avaient refusé un crédit d’étude pour exploiter le vent. Aujourd’hui, ils disent oui à 53%. C’est un beau résultat. Maintenant, il faut poursuivre sur cette lancée.»

Le vote des habitants de Sainte-Croix va permettre au Conseil d’Etat de modifier sans tergiverser le plan d’affectation cantonal (PAC), préalable indispensable au dépôt du permis de construire. Romande Energie estime qu’il faudra ensuite entre «douze et dix-huit mois» de travaux pour installer trois éoliennes de 139 mètres au Mont-des-Cerfs et trois à La Gittaz-Dessus. De quoi produire 22 millions de kilowattheures par an et approvisionner plus de 6000 ménages, soit l’équivalent de l’ensemble de la commune, industries comprises.

L’installation des éoliennes – les premières sur territoire vaudois – pourrait prendre du retard. Des propriétaires directement concernés par le projet ont en effet d’ores et déjà annoncé qu’ils feraient recours contre le permis de construire.

Cette promesse n’inquiète pas outre mesure Jacqueline de Quattro, conseillère d’Etat en charge du dossier: «Il y aura sans doute du retard, les outils démocratiques sont là pour être utilisés. Je rappelle que ce sont les opposants qui ont voulu ce vote. Ils seraient élégants de respecter la volonté populaire. Le plus important est ailleurs: avec ce vote, le feu passe au vert pour les éoliennes.»

Encouragé dans sa volonté de développer les énergies renouvelables, le gouvernement vaudois présentera ce printemps les périmètres aptes à l’éolien retenus dans son plan directeur cantonal. Avec un objectif ambitieux: atteindre une production d’électricité de 500 à 1000 GWh/an, ce qui représente de 12 à 25% de la consommation du canton (chiffres 2008). Parmi la quarantaine de dossiers annoncés, plusieurs n’aboutiront pas. Une coordination est en cours avec le canton de Neuchâtel pour résoudre les problèmes posés par les projets «frontaliers».

Le vote de Sainte-Croix a une dimension exemplaire qui porte au-delà du territoire vaudois, comme le reconnaît Pro-Crêtes, fédération qui veut préserver les crêtes jurassiennes de toute implantation industrielle. «C’est une défaite importante pour nous, je ne m’y attendais pas, note son président, le Neuchâtelois Félix Gueissaz. Elle pourrait accélérer les autres projets en cours, dans le canton de Vaud ou à Neuchâtel, et transformer l’Arc jurassien en centrale éolienne.»

Pro-Crêtes ne dépose pas les armes pour autant. Elle fixe rendez-vous à la fin de l’année avec le vote des Neuchâtelois sur l’initiative cantonale «Avenir des crêtes: au peuple de décider». Le texte demande que le plan d’affectation cantonal soit soumis au référendum populaire obligatoire en vertu du décret de 1966 qui protège les crêtes et les sites naturels. «Le débat sera plus large, ce sera plus un problème d’aménagement du territoire, reprend Félix Gueissaz. Dans un tel domaine, il est fondamental que le peuple puisse se prononcer.»