La nouvelle loi sur le renseignement a été très largement acceptée par le Conseil national et le Conseil des Etats. Un référendum a cependant été lancé par une alliance de représentants de la Jeunesse socialiste, des Verts et du PS ainsi que d’organisations comme droitsfondamentaux.ch ou «Digitale Gesellschaft». C’est sur ce référendum que les citoyens suisses voteront le 25 septembre.

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Pourquoi faire une nouvelle loi?

Les employés du Service de renseignement de la Confédération (SRC) n’avaient jusqu’ici que le droit de collecter des informations sur le domaine public. C’est-à-dire ce qu’ils lisaient dans les médias ce qu’ils trouvaient sur Internet et ce que leur communiquaient les services de renseignement étrangers. La nouvelle loi leur donne le droit de collecter des informations de manière plus intrusive.

La récolte d’information dans la sphère privée

Le SRC aura dorénavant le droit de collecter des données personnelles à l’insu des personnes concernées. Il est précisé dans la loi que les mesures les plus intrusives comme les écoutes téléphoniques, des fouilles de domicile, le hacking de système informatique ou la pose de caméras dans des appartements ne peuvent être adoptées que dans les cas de soupçon de terrorisme, d’espionnage ou d’attaques particulièrement graves.

Il faudra au préalable pour chaque nouveau cas obtenir l’autorisation du Tribunal administratif fédéral, puis l’aval du chef du département fédéral de la Défense, qui aura consulté les ministres des Affaires étrangères et de Justice et police. Le Conseil fédéral estime à une dizaine par an le nombre de cas susceptibles de faire l’objet de ces mesures.

La recherche par mots-clés

La nouvelle loi précise aussi que des recherches peuvent être effectuées sur le réseau câblé dans les communications entre la Suisse et l’étranger (les communications entre des personnes situées en Suisse ne peuvent être collectées par le service de renseignements). Cela inclut des recherches par mots-clés. Chaque recherche par mots-clés est soumise à l’autorisation du Tribunal administratif fédéral.

A noter que les informations transmises par satellite font déjà l’objet d’une surveillance. Cette surveillance du réseau câblé est ce qui cristallise le plus de critiques.

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Les arguments contre la nouvelle loi:

  • En Suisse, la révision de loi sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT) a déjà été adoptée. Elle permet à la police et aux autorités de poursuite d’accéder aux métadonnées stockées pendant six mois par les opérateurs téléphoniques en cas de soupçon d’infraction. Aux termes de la LRens, les services secrets auraient accès à ces données, même si aucun soupçon d’infraction ne pèse sur l’individu concerné.
  • La surveillance ne devrait être justifiée que s’il existe des indices concrets d’une activité illégale, et que la mesure est ciblée et proportionnelle. Au contraire, l’exploration du réseau câblé et le stockage des métadonnées représentent une forme de surveillance de masse non fondée sur des soupçons qui attente de manière disproportionnée à la sphère privée.
  • Le service des renseignements suisse pourra partager ses données avec des services étrangers.
  • Certaines des notions qui justifient les mesures intrusives sont floues comme «mise en danger du fonctionnement de l’Etat».

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Les arguments pour la nouvelle loi:

  • Même quand des Etats étrangers informent la Suisse de menaces, le SRC n’a aucun moyen d’étayer ou d’écarter ces soupçons, car la loi lui interdit toute surveillance de la sphère privée ou secrète.
  • Les risques et les menaces envers la Suisse ont évolué au cours des vingt dernières années et l’Etat devrait être en mesure d’y faire face, tant au niveau organisationnel que technologique. Il faut dès lors donner des pouvoirs plus étendus au service du renseignement.
  • Les menaces actuelles sont notamment le fait de particuliers qui s’informent, se radicalisent, communiquent et agissent par les mêmes moyens de communication que les citoyens lambda. D’où la nécessité de pouvoir surveiller ces moyens de communication.

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Que valent les services de renseignement suisse?

Après le scandale des fiches dans les années nonante, les compétences des services de renseignement ont été réduites.

En 1999, on apprend que le comptable du renseignement militaire, Dino Bellasi, a détourné 8,6 millions de francs. Le chef du service extérieur, Peter Regli, doit démissionner. A Berne, plus personne ne prend les services secrets au sérieux. Leurs rapports ne sont pas lus, leur qualité est jugée «pitoyable».

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Au début des années 2000, les renseignements se divisent en deux services rivaux, SAP et SRS, respectivement chargés du renseignement intérieur et extérieur, qui se haïssent et font tout pour ne pas travailler ensemble.

Aujourd’hui, ils ont été fondus en un service, le SRC. Ce dernier a atteint un niveau correct, sans être extraordinaire. Selon un initié, «80 à 85% viennent de sources ouvertes, le reste de services étrangers», avec une petite part d’informations originales recueillies par ses soins.