Au menu ce mercredi, hamburgers et street art. Sur la place de l’Europe, dans le quartier du Flon, le camion de la «Green Van Company» a ouvert sa cantine ambulante, marquant la dernière étape de la tournée romande organisée par Economiesuisse dans un triple but: sensibiliser les citoyens à l’importance des relations bilatérales pour la prospérité du pays, prendre le pouls du sentiment pro ou antieuropéen ambiant, mieux comprendre les préoccupations de ceux qui voteront sur l’avenir de la voie bilatérale et de la libre circulation, probablement dans le courant 2017.

Les milieux économiques, scientifiques ou culturels avaient été critiqués pour leur manque d’anticipation du résultat de la votation du 9 février 2014, lorsque 50,3% des Suisses avaient accepté l’initiative de l’UDC contre l’immigration de masse. Pour ne plus être pris en défaut de vigilance, ils ont déjà démarré la campagne.

Le chemin semble aussi escarpé qu’une rue lausannoise. Malgré la distribution de 200 burgers et la prestation de Frank Bouroullec, l’artiste chargé de réaliser en une demi-journée une immense fresque colorée de 100 m2 suspendue à la passerelle de l’Europe, malgré la présence de chefs d’entreprise et d’élus, comme le conseiller aux Etats PLR Olivier Français, le public reste clairsemé et les questions peu nombreuses à l’heure du déjeuner.

«A Genève, Neuchâtel et Sion, les gens ont manifesté une forte préoccupation quant à l’emploi, pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Ils ont le sentiment d’être en concurrence avec des citoyens européens très qualifiés. On sent qu’ils veulent mettre un frein à l’immigration et qu’ils ne sont pas prêts à y renoncer», relate Cristina Gaggini, la directrice romande d’Economiesuisse. Dans l’arc lémanique, la question des transports bondés et des loyers élevés est souvent abordée.

Entorse à l’initiative de l’UDC

Les sondages montrent pourtant quelques frémissements: dans l’enquête Sophia publiée par L’Hebdo, 54% des Suisses se disent prêts à sauver les accords bilatéraux, quitte à faire une entorse à l’application stricte de l’initiative. Selon le sondage Gfs, publiée dimanche dans la NZZ am Sonntag, si les citoyens devaient voter aujourd’hui sur la proposition de l’UDC, ils ne seraient que 36% à l’accepter.

Cette dernière enquête montre aussi que les arguments économiques commencent à porter. «Plus de 50% de nos exportations sont destinées aux 500 millions de citoyens européens et nous sommes le troisième marché le plus important pour l’Europe; 1,3 million d’Européens vivent en Suisse et 300 000 frontaliers viennent chaque jour travailler ici: personne n’a intérêt à casser cette relation», plaide Patrick Odier, le vice-président d’Economiesuisse.

Il explique aussi que «les entrepreneurs détestent l’incertitude, ce poison qui risque de se traduire par un fléchissement des investissements» et que nombre d’entre eux ont impérativement besoin de main-d’œuvre étrangère pour tourner, dans l’industrie des machines ou la santé par exemple.

«L’excellence est incompatible avec la fermeture»

«L’excellence est incompatible avec la fermeture»: le recteur de l’Université de Genève, Yves Flückiger, est également mobilisé afin que les hautes écoles restent arrimées à la recherche européenne et pleinement associés au programme Horizon 2020. «L’excellence de la recherche scientifique suisse et du système de formation est stimulée par la concurrence internationale», poursuit-il. Deux ans après le vote du 9 février, les statistiques en révèlent les effets: dans le programme-cadre européen pour les années 2007 à 2013, la Suisse avait remporté 972 coordinations de projet et figurait au 7e rang derrière les grands Etats européens, Royaume-Uni, Allemagne et France en tête.

Dans le cadre d’Horizon 2020, la Confédération n’est plus qu’avant-dernière: elle ne coordonne que 15 projets. «En raison de l’incertitude qui pèse, la Suisse a déjà reculé. Ne dilapidons pas ce que nous avons construit», plaide Yves Flückiger.

Pour l’instant, la participation pleine et entière du pays à Horizon 2020 est suspendue à la ratification du protocole sur l’extension de la libre circulation des personnes à la Croatie; le dossier est entre les mains des Chambres fédérales avec les autres propositions du Conseil fédéral pour mettre en œuvre l’article constitutionnel.

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