A 24 ans, la socialiste Olga Baranova vient d’être élue pour un deuxième mandat au Conseil municipal de Genève

C’est la plus jeune députée à l’exécutif de la Ville. Une militante de rêve pour le PS, une vraie bosseuse

«Pourquoi est-ce que tu ne te concentres pas sur tes études?» lui avait lancé un camarade à l’époque où Olga Baranova gravissait les premières marches de sa carrière politique. Elle n’avait pas 20 ans. «C’était peu élégant et aussi symbolique, venant d’un homme dans la cinquantaine. Mais il a compris depuis», raconte celle qui, pour la deuxième fois, se retrouve en position de benjamine du Conseil municipal de Genève.

Etre remise à sa place, parce qu’on est une jeune politicienne, d’origine étrangère qui plus est, Olga Baranova connaît la chanson. C’est à la fois «une source de frustration et un combat quotidien, dit l’élue, qui estime qu’en matière de sexisme seul un travail constant d’écriture et d’opinion pourra faire évoluer les choses». Les années passant, Olga Baranova est devenue une figure au PS. «Je fais déjà un peu vieille au parti, je connais toutes les histoires», reconnaît l’étudiante de master en administration publique, candidate au Conseil national.

La politicienne a vécu un long parcours d’immigrante. Elle naît en 1991, à Doubna, à 125 km de Moscou. Son père est un jeune physicien à l’Institut unifié de recherches nucléaires, le «CERN» soviétique, où sa maman travaille comme secrétaire. Parents et grands-parents vivent dans le même appartement, et Olga grandit dans un cocon, mais les physiciens russes doivent aller trouver du travail à l’Ouest. La famille débarque à Munich, et la petite fille de 6 ans y subit «le choc de la langue». Dans la maison louée par le paternel, une dame d’un certain âge, Helga, fera office de troisième grand-mère. Il faudra bientôt encore déménager pour Doubna, et deux ans plus tard revenir en Allemagne.

A Fribourg-en-Brisgau, Olga Baranova se retrouve dans une classe d’insertion. «En deux ans, je suis devenue une parfaite petite Allemande.» Août 2006, la famille Baranova remonte à pied la route de la Servette pour rejoindre son nouvel appartement. Adieu les amitiés allemandes et bonjour le français, qu’il faut apprendre dare-dare. Les années de collège se dérouleront à Calvin. Olga fait des 5,5 en dissertation de français, mais n’aligne pas deux phrases en classe, où elle occupe le fond. Un professeur de géographie lui fait remarquer l’âge moyen des constituants genevois et prédit que les plus vieux d’entre eux ne verront pas l’avènement du nouveau texte. «En fait, ce sont les plus jeunes qui sont morts, Michel Chevrolet et Tristan Zimmermann», souligne l’élue.

A 17 ans, Olga Baranova est à Thoune (BE), dans un raout organisé pour «l’élite de demain», le Swiss Talent Forum. La collégienne fraternise avec de jeunes socialistes argoviens, qui la poussent à rejoindre la Jeunesse socialiste genevoise (JSG). Elle y adhère en 2009 et rencontre Romain de Sainte Marie, futur président du mouvement, avec qui elle va «monter une JS très politisée, qui organise des coups»: ainsi Post Tenebras Phallus, action menée contre la tentative de la majorité de la Constituante de biffer le principe d’égalité entre hommes et femmes.

Olga Baranova est élue au Conseil municipal en 2011. Elle a tout juste 20 ans et travaille dans la machine du parti, où elle a créé le poste de graphiste pour le PS du canton (elle y œuvre encore). Lors de sa première législature, la jeune élue travaille à double. Les interventions en séance plénière lui font «peur» et, malgré un français impeccable, elle sent «une pression sociale sur la question de la langue».

Son colocataire, le socialiste Olivier Gurtner, ne manque pas, entre deux débats politiques acharnés, de la corriger. «Jamais je n’aurai la même aisance en français que les autres», craint l’ancienne vice-présidente du PS, qui dit faire des erreurs en russe et ne plus suffisamment parler allemand pour maîtriser parfaitement cette langue.

Au Municipal, la fille de physicien a choisi une commission où l’on ne se presse pas (la Csdomic). Elle y parle sécurité, incendies et espaces publics. «Il faut aimer monter sur un tonne-pompe [un camion de pompiers]», se marre-t-elle. Elle siège aussi à la Commission pour la culture, mais avoue avoir «plus grandi avec les robots qu’avec l’Opéra».

Un sujet l’électrise, celui de la vie nocturne à Genève. Elle attend toujours des réponses à une question écrite sur la gestion des bars de la rue de l’Ecole-de-Médecine, où il lui semble «que l’Etat fait passer des mesures unilatérales pour des décisions négociées». «Les partis bourgeois ne s’intéressent pas à ce sujet, car leur électorat ne fréquente pas le quartier», lance-t-elle. L’élue ne parvient pas à citer un politicien de droite pour qui elle nourrirait de l’admiration. Est-elle un peu anarchiste? «Elle est solide, engagée, fiable et peut se montrer cash», dit le conseiller municipal socialiste Sylvain Thévoz.

D’ailleurs, que pense-t-elle de cet autre politicien genevois, Pierre Maudet, tombé tôt dans la marmite politique? «Peu importe son âge, il est déjà très vieux, glisse-t-elle. Et quand faire de la politique se résume à faire de la communication, c’est d’une tristesse absolue.»

A gauche, son admiration va au conseiller administratif Sami Kanaan et au municipal Pascal Holenweg. Chez le premier, elle admire «sa patience, son talent de négociation et sa capacité à rester toujours au même niveau humain avec les gens». Chez le second, elle cite «la droiture, la liberté, le refus du compromis».

Le PLR Adrien Genecand, ancien benjamin du Conseil municipal, pointe à son sujet une absence de visibilité politique, compensée par un travail de fond au sein de l’appareil du PS. «C’est la militante rêvée, qui abat beaucoup de travail et ne demande rien», résume-t-il. Avant de complimenter son travail de communication visuelle pour les campagnes du PS.

Olga Baranova, qui dit avoir «parfois l’impression de ne pas avoir assez vécu et d’être déjà un peu vieille», a-t-elle un plan de carrière? Elle dit se ficher des échelons. «Tous les niveaux comptent, il n’y a pas de hiérarchie», assure cette bosseuse.

A propos de cet autre politicien genevois, Pierre Maudet, tombé tôt dans la marmite politique: «Peu importe son âge, il est déjà très vieux»