Élections fédérales
Après huit ans d'absence, la droite vaudoise entrevoit l'espoir de reprendre pied au Conseil des Etats. Portrait de son champion

Il fait la Patrouille des Glaciers et il a choisi pour illustrer ses tracts de campagne l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau, qu’on voit depuis la terrasse du Palais fédéral. Olivier Français, 60 ans, est déjà conseiller national, mais le Conseil des Etats, qu’il vise ce dimanche, est un sommet bien plus haut. Pour son parti, qui retrouverait un siège à la chambre des cantons après huit ans d’exil. Pour lui-même aussi, qui se sentirait reconnu.
Enfin reconnu? «Sous mon casque il n’y a pas qu’un petit caillou», pose le conseiller municipal lausannois. Ce couvre-chef n’est pas que celui du sportif, c’est surtout celui de l’ingénieur. Monsieur Catastrophes, Monsieur Travaux, Monsieur Tunnels, son parcours professionnel et politique est jalonné de casques, mais la panoplie est à double tranchant.
Soutien des entrepreneurs
Côté gagnant: l’image du chef d’entreprise déterminé, la griffe du professionnel qui fait avancer les grands chantiers de Lausanne. «Il dirige son administration, pour d’autres conseillers municipaux c’est le contraire», assure un élu communal admiratif. Dans le comité de soutien d’Olivier Français, on trouve Georges Zünd, le directeur général de la Fédération vaudoise des entrepreneurs (FVE). Jamais, de son propre aveu, les milieux de la construction ne s’étaient engagés à ce point pour un candidat: «Il est des nôtres et nous comptons sur lui pour faire entendre notre sensibilité à Berne», assure ce porte-parole du gros œuvre, du second œuvre et du métal.
Pour les infrastructures, Olivier Français ne manque certes pas d’idées, qu’il aime offrir en primeur aux journaux. Parfois ça marche, comme le parcours en surface du M3, le prochain métro lausannois, qui a convaincu la Municipalité; ou le «tunnel Français», qui relie l’usine d’incinération des déchets au rail. Parfois c’est le flop, comme sa proposition de tunnel sous la place St-François. La prochaine génération dira ce qu’il advient de la «croix fédérale de la mobilité», une proposition à laquelle il est associé avec le PLR.
L’homme d’un dossier
Mais il y a un mais. L’ingénieur en chef, c’est aussi celui qui privilégie le chantier sur la conception d’ensemble, le projet sur la vision politique. Le politicien lausannois n’a jamais réussi à se défaire de l’étiquette de technicien qui lui colle à la peau. «On méconnaît mes compétences», rétorque-t-il quand on lui reproche de ne pas voir plus loin que ses marottes. Le candidat aux Etats est un pragmatique selon ses amis, un terre-à-terre selon ses adversaires. Il ne s’embarrasse ni d’idéologie, ni de grands desseins sociétaux. Pour les envolées, il faut chercher ailleurs. Quêtant le soutien de l’UDC, il s’est engagé froidement en faveur de son second siège au Conseil fédéral, sans même attendre la démission d’Eveline Widmer-Schlumpf.
Au Conseil national, où il siège depuis deux législatures déjà, c’est un député discret. On reconnaît son expertise dans le domaine des transports, mais c’est pratiquement le seul sujet sur lequel on peut l’entendre en plénum. Par manque de temps peut-être: un pied à Lausanne l’autre à Berne, il est l’un des derniers Mohicans du double mandat. Son bagage peut paraître mince pour les Etats, qui exigent de la diversification. On ne lui reconnaît pas, faute d’éléments, un profil politique bien dessiné.
Isolement croissant
A la municipalité de Lausanne, qu’il va quitter au printemps, son confort s’est rétréci comme peau de chagrin. Au début, le rapport de forces en faveur de la gauche était encore de quatre contre trois. Puis il a été de cinq contre deux. Depuis des années, c’est seul contre six. Mais son isolement n’a pas toujours été le même. Olivier Français a fait partie, avec le syndic Daniel Brélaz et la socialiste Silvia Zamora, d’un trio dominant. Sa position s’est érodée à l’arrivée de Grégoire Junod et Florence Germond, la nouvelle génération rose qui a pris en main les finances de la Ville.
Une couleuvre lui est restée en travers de la gorge: alors qu’il voulait engager un assistant sous la coupole fédérale, ses pairs de la Municipalité lui ont signifié que ses jetons du Conseil national revenaient à la caisse communale. Il ne résiste pas toujours à la tentation de jouer les Calimero. D’un autre côté, comme il le dit lui-même, «le petit suscite toujours de la sympathie.»
«Quand j’élève la voix»
Il sait tout aussi bien que «ce qui me porte préjudice, c’est quand j’élève la voix.» Susceptible, affectif, emporté, soupe au lait, que n’a-t-on pu dire d’Olivier Français et d’un caractère que paraît refléter son débit précipité et souvent brouillon. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas rancunier. Durant la campagne qui s’achève, on voit qu’il se contient pour maîtriser son impulsivité. Au point de paraître décontenancé lors d’un débat quand son rival vert Luc Recordon lui assène, d’une seule petite phrase, qu’il connaît mal la Suisse, que son réseau est inconsistant et son allemand mauvais – cette dernière faiblesse étant admise par l’intéressé.
Peu importe. Pour un PLR vaudois tout frémissant à l’idée de reconquérir un siège sénatorial, selon l’espoir qu’offre le premier tour, Olivier Français est le héros de l’heure. Lui-même se sent porté par tous ceux qui l‘accompagnent ces jours du matin au soir. S'il gagne contre Luc Recordon - le siège de la socialiste Géraldine Savary semble inatteignable - se réjouit-il de participer au virage à droite de la politique suisse qui se dessine au lendemain des élections? Quelle drôle d’idée, semble-t-il se dire en entendant la question. L’UDC, c’est vrai, ne lui a pas lancé de concurrent dans les pattes et Guy Parmelin le soutient officiellement, dans un échange de bons procédés. Mais il a aussi l’appui du PDC, celui des Vert’libéraux. L’élection se jouera beaucoup au centre. C’est pour cela que son état-major épluche tous les votes des sénateurs sortants. Il s’agit de prouver que les deux élus de gauche «sont plus à gauche qu’on pense.»