Historien vaudois proche du PLR, Olivier Meuwly a commenté l’élection du successeur de Didier Burkhalter dès ses débuts pour Le Temps, soulignant notamment le fait que «les élections au Conseil fédéral sont devenues parmi les moments les plus importants de la vie politique suisse». Il analyse le résultat.

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Le Temps: Cette élection représente-t-elle un échec pour les Romands?

Olivier Meuwly: Non. Avant même que les Romands ne se décident à entrer dans la course, on voyait que la logique allait vers le Tessin. Deux Romands en lice, pourquoi pas, il n’y avait aucun interdit en ce sens, mais il n’y avait aussi aucune obligation morale à prendre une ou un Romand. Les francophones ont bloqué et clarifié la stratégie du PLR. Si l’on prend le résultat comme un échec romand, il aurait fallu voir l’élection de Guy Parmelin comme un triomphe des Romands, surtout concernant l’UDC: ce ne fut pas le cas.

En quoi les candidatures romandes ont-elles «bloqué et clarifié» la stratégie du parti?

Elles ont permis au parti de présenter trois profils suffisamment différents, de s’éviter le problème d’une candidature atypique, comme ce fut le cas d’Eveline Widmer-Schlumpf à l’UDC. Cela a aussi bloqué la possibilité d’une irruption vers la fin de campagne, puisque certains reparlaient de Laura Sadis. Le PLR a plutôt bien manœuvré: rien n’interdisait aux Romands de revendiquer le siège. Mais on sentait que les Alémaniques avaient choisi, très tôt, pour le Tessin.

La présidente du PLR Petra Gössi avait parlé d’un ticket à deux, le groupe a choisi les trois postulants, s’épargnant bien des déchirures ultérieures: coup de génie?

Au début, je pensais que l’idée de partir à deux, Cassis-Moret, était plus responsable. Maudet n’était «que» conseiller d’Etat, loin de Berne. Mais on voit que l’idée de retenir les trois, en effet, était la bonne.

Cette joute va-t-elle laisser des rancœurs entre les Latins?

Je ne le crois pas. Les contacts entre Romands et Tessinois sont déjà assez minces actuellement… L’élection ne changera pas grand-chose. Les Tessinois ont suffisamment de chats à fouetter, et ils auront besoin des Romands, par exemple si les relations avec l’UE s’améliorent. Eux-mêmes n’étaient pas tous unis derrière Cassis, de la même manière que les Romands avaient leurs divisions… Du côté alémanique, certains voulaient privilégier la carte femme. Cette élection s’est révélée très suisse, jamais front contre front, mais avec des lignes mouvantes. Et Ignazio Cassis est assez malin pour surmonter d’éventuelles tensions sur ce point.