Le Temps: Dans quel camp êtes-vous: L’Etat ou l’Interprofession?

Didier Joris: Ni un, ni l’autre. Il y a des propositions intéressantes ou dommageables dans les deux projets de loi. Le travail a été fait à double parce que l’Etat et l’interprofession n’ont pas su collaborer comme ils le devraient. Il faudrait désormais qu’une commission puisse faire la synthèse et conserver le meilleur des deux projets. En attendant, ce conflit fait du mal à l’image des vins du Valais. Au profit de la concurrence.

Pourquoi le moût concentré rectifié (MCR) et les copeaux de bois suscitent-t-ils le débat?

Il y a une dizaine d’années, les vignerons encaveurs se sont battus pour interdire ces pratiques contraire à la déontologie dans les vins d’Appellation d’origine contrôlée. Je ne comprends pas qu’on puisse rouvrir ce débat. Les barriques de chêne permettent d’oxygéner le vin, et les copeaux non, même s’ils sont moins chers. Le MCR, lui, est surtout utilisé pour camoufler l’acidité sous un peu de douceur. Il est aussi plus facile à doser, et plus difficile à détecter que le sucre. Mais il dilue le cépage et lui fait perdre sa typicité. Bientôt, on devra aussi éliminer les résidus de fongicides et de pesticides. C’est le prochain défi. Je n’ai rien contre ceux qui préfèrent gagner de l’argent plutôt que d’élever un bon vin, mais le consommateur doit pouvoir se fier à une étiquette qui dit vraiment ce que contient la bouteille. On a le droit de faire de la chimie, mais il faut le dire.

C’est pour cette raison qu’il est important de segmenter la pyramide des vins, non?

Oui! Mais la segmentation proposée par l’interprofession valaisanne me semble inefficace. Dans la grande distribution, l’étiquette et le prix guident les choix de l’acheteur. Sur ce marché, le Valais a déjà le désavantage de proposer de nombreux cépages différents. Si on y ajoute une certification propre au canton, le consommateur n’y comprendra plus rien. Et puis contrairement à une loi qui a déjà ses propres contrôles, un label me semble surtout représenter beaucoup plus de bureaucratie que de valeur ajoutée pour le producteur. Pour l’instant, l’idéal serait une Appellation d’origine contrôlée dont les exigences seraient les mêmes dans tout le pays.