«C’est le procès d’une transgression majeure. On ne s’attaque pas aux vieux.» Pour le procureur général, Olivier Jornot, les prévenus ont fait preuve d’une grande lâcheté en s’en prenant à deux octogénaires. Durant l’hiver 2012 à Genève, toutes deux ont été agressées à leur domicile par des brigands armés en quête d’or et d’argent. «La violence exercée sur les faibles est inadmissible et ce que ces trois ont fait est ignoble.» Contre Samir, le principal acteur de ces agressions, le Ministère public a requis une peine de 14 ans. Contre ses deux comparses, il a demandé 8 et 5 ans de prison.

Dans son malheur, l’une des deux vieilles dames a eu de la chance. Ligotée et bâillonnée, jetée dans la baignoire après avoir été violemment frappée, étranglée et menacée par un brigand, l’octogénaire de Chêne-Bourg a eu la force de crier «Au secours, Nicolas!» et d’alerter ainsi son sapeur-pompier professionnel de voisin. «Je ne devais pas être là ce week-end mais le planning avait changé», explique ce capitaine chargé du commandement opérationnel, entendu comme témoin au procès du trio de multirécidivistes maghrébins. Malgré l’habitude des situations difficiles, Nicolas ajoute: «Je n’oublierai pas cette scène.»

De l’octogénaire, le pompier ne dit que du bien. C’est une femme qui rendait service à tout le monde. Cette «voisine en or», comme il l’appelle, lui avait remis un double des clés au décès de son mari, au cas où il lui arriverait quelque chose. Mais personne n’avait imaginé l’intrusion brutale du 18 février 2012. En marchant dans son appartement, téléphone à l’oreille, le pompier a entendu une faible voix par la ventilation de sa salle de bains. Celle qui l’appelait à l’aide. «J’ai senti qu’il se passait quelque chose de pas normal.»

«Mon devoir de citoyen»

En entrant chez sa voisine du dessous, il a vu de la lumière partout, un grand désordre et a entendu le vacarme de la télévision. «J’ai pensé à des cambrioleurs et je me suis demandé s’il fallait appeler la police avant d’intervenir. Mais mon devoir de citoyen était d’y aller et de la chercher.» En ouvrant finalement la porte verrouillée de la salle de bains, le pompier a été choqué de découvrir la vieille dame, le visage tuméfié, la tête sous le robinet, attachée. «Je lui ai demandé ce qu’elle faisait dans sa baignoire. Sans doute sous le coup du stress.»

Une fois libérée de ses liens, la victime s’est montrée agitée et volubile. Elle cherchait ses affaires et notamment son alliance. Depuis cette agression, assure encore son voisin, elle a changé. Sa joie de vivre a laissé place à de la crainte et à du repli. «Il y a une cassure nette.» Un traumatisme qui s’explique par la violence des faits. Selon le professeur Patrice Mangin, médecin légiste entendu mardi aux débats, l’octogénaire est passée très près de la mort. La forte compression exercée sur son cou a entraîné une fracture au niveau du larynx. Un étranglement qui, en empêchant l’irrigation normale du cerveau, a mis en danger la vie de cette vieille dame.