Initiative populaire
Plus de 120 000 signatures ont été récoltées. Le peuple dira si les dons politiques supérieurs à 10 000 francs doivent être rendus publics

Les Suisses diront s’ils veulent que le financement des partis politiques soit plus transparent. Alors qu’on la croyait à la peine au début de l’été, l’initiative populaire sur la transparence a abouti, a appris Le Temps. Plus de 120 000 signatures ont été récoltées. Elles sont en cours de validation auprès des communes et seront remises à la Chancellerie fédérale avant le délai, fixé au 26 octobre.
La Suisse montrée du doigt depuis des années
Cette initiative répond à une requête persistante du Groupe d’Etats contre la corruption (Greco) du Conseil de l’Europe, dont la Suisse est membre. Cela fait des années que cet organe de vérification de l’intégrité politique montre la Suisse du doigt. En 2011, il a publié un rapport d’évaluation plutôt sévère. «La Suisse fait partie des rares pays en Europe qui ne disposent pas de réglementation spécifique relative aux partis politiques, ni à leur financement et à celui des campagnes électorales», constataient les experts du Conseil de l’Europe. Ils émettaient alors toute une série de recommandations.
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Le Greco a demandé à la Suisse d'«introduire une obligation générale pour les partis politiques et les candidats aux élections de communiquer tous les dons reçus, y compris ceux de nature non monétaire, supérieurs à un certain montant ainsi que l’identité des donateurs». Autre exigence: les «dons provenant de personnes ou entités omettant de déclarer leur identité au parti politique ou au candidat» devraient être interdits. Le Greco jugeait en outre nécessaire d’obliger les partis à présenter leurs comptes, notamment pour les campagnes électorales. Ces revendications n’ont jamais été suivies d’effets, car la majorité des partis politiques n’a pas souhaité s’engager dans cette voie, considérant que la décision de les soutenir financièrement relevait de la sphère privée.
Opaque fondation UDC
Cette vision des choses est surtout répandue à droite. Parmi les structures opaques, on cite souvent la fondation qui soutient les campagnes, les publications et la formation de la relève de l’UDC, la Stiftung für eine bürgerliche Politik, dont le secrétariat est assuré par une chancellerie zougoise.
L’ancien chef du groupe parlementaire Caspar Baader en est le président alors que le président du parti, Albert Rösti, assume la vice-présidence. Mais nul ne sait combien d’argent transite par cette fondation, ni de qui il vient. En 2011, s’appuyant sur une banque de données économiques privée, la SonntagsZeitung avait évoqué une fourchette de 200 à 300 millions de francs.
Les partis de droite refusant de légiférer, nous avons considéré que le peuple devait se prononcer
Toutes les interventions parlementaires déposées après la publication du rapport du Greco ayant échoué, une initiative populaire a été lancée par le PS, les Verts, le PBD, le Parti évangélique, le Parti pirate, leurs jeunes sections, la Session des jeunes, Opendata.ch et Transparency International Suisse. «Les partis de droite refusant de légiférer, nous avons considéré que le peuple devait se prononcer. Il y a un paradoxe entre la démocratie suisse dont on est si fier et cette exception que constitue la Suisse en matière de transparence du financement de la vie politique, régulièrement critiquée par le Greco», fait remarquer Lisa Mazzone (Verts/GE), coprésidente du comité d’initiative.
Le texte demande que tous les dons et soutiens annuels de plus de 10 000 francs versés aux partis politiques soient rendus publics. Dans son dernier rapport intermédiaire, le Greco a regretté que le Conseil fédéral s’obstine à refuser de légiférer, mais il a pris acte du lancement de cette initiative. Il dit avoir «le ferme espoir que le vif débat public autour de cette question permettra de mettre fin à l’exception suisse».