Les otages en Libye sont de retour à la case statu quo ante
revue de presse
Après les humiliations à répétition, la Suisse obtient enfin un petit sucre du clan Kadhafi pour édulcorer le sort de ses otages à Tripoli. Avec le retour des deux hommes à l’ambassade, on est dans la même situation de blocage qu’à la mi-septembre
Après les humiliations à répétition, la Suisse obtient enfin un petit sucre du clan Kadhafi pour édulcorer le sort de ses otages à Tripoli. Avec le retour des deux hommes à l’ambassade, on est dans la même situation de blocage qu’à la mi-septembre.
Après avoir kidnappé les deux otages suisses, les autorités libyennes les ont remis lundi matin à l’ambassade de Suisse à Tripoli. Mais «pourquoi le clan Kadhafi a-t-il fait marche arrière?» se demande la Tribune de Genève dans son éditorial, tout en étant consciente qu’à ce stade, il est «difficile de le savoir». Hypothèse: «Voilà un Etat qui n’a que le mot honneur à la bouche et qui enlève lâchement deux Suisses à l’hôpital après leur avoir tendu un traquenard. Pas très glorieux et pas vraiment vendeur sur la scène internationale.» Et de conclure que la Suisse est désormais «plus aguerrie pour l’épreuve de force qui va perdurer» mais qu’il faut absolument «continuer à n’accorder qu’au compte-gouttes des visas aux dignitaires libyens» tant que le problème n’est pas définitivement résolu: «La Libye doit comprendre qu’en poussant le bouchon trop loin, elle perdra sa victoire d’étape.»
24 Heures estime de son côté que «la Suisse reprend la main» même si «aucune initiative diplomatique n’est en mesure d’expliquer totalement ce geste soudain des Libyens. Mais, selon certains connaisseurs du dossier, davantage que le durcissement de l’octroi des visas Schengen aux ressortissants libyens, c’est la suspension de l’accord qui aurait joué un rôle. Car cet accord procède surtout de la volonté libyenne de voir l’arrestation à Genève d’Hannibal Kadhafi appréciée par un tribunal international indépendant. La finalité étant d’obtenir réparation, du moins symbolique, pour l’affront porté à l’honneur» des dirigeants libyens, dont le colonel himself, qui joue au «Tripoly» avec deux pions rouges à croix suisse dans le joli dessin de Burki publié mardi par le quotidien vaudois.
Sur cette affaire, Le Parisien publie une dépêche de l’Agence France-Presse disant que le changement de ton des autorités suisses, «après des humiliations à répétition, a été salué par la population et les partis helvétiques, las de voir leur gouvernement traîné dans la boue par les autorités libyennes. Certains observateurs saluaient notamment la décision de limiter les visas, estimant qu’elle visait la famille Kadhafi et ses proches» et qu’elle pouvait faire évoluer la situation. Elle a «dû pousser Tripoli à un peu plus de conciliation», selon le site haut-savoyard La Boussole 74.
«Tripoli libère ses deux «otages» suisses», conclut un brin rapidement Le Figaro, selon lequel «ce rebondissement pourrait marquer un tournant dans la crise qui empoisonne les relations diplomatiques entre la Suisse et la Libye» après que les diplomates «ont longtemps adopté un profil bas face aux exigences libyennes en espérant que le temps allait jouer en leur faveur. Mais ils ont dû déchanter.» Donc, «après plusieurs semaines d’atermoiements, la Suisse finit par hausser le ton et à faire preuve de fermeté. […] Et le régime libyen cède. Du moins en partie. […] Mais l’affaire n’est pas terminée.»
«Rückschritt vom Rückschritt», titre de son côté la Basler Zeitung: c’est «l’échec qui diminue», en quelque sorte, car ce retour à l’ambassade «correspond à un retour au statu quo ante», qui demeure «insatisfaisant», comme en témoigne le dessin de Ben dans Le Matin (ci-contre). «Ce n’est pas un rapprochement entre les deux pays», pense pour sa part le St. Galler Tagblatt, car l’affaire n’est pas débloquée, «elle retourne dans l’impasse» où elle se trouvait à la mi-septembre.
«Le Conseil fédéral doit maintenant faire preuve de fermeté», commentent les Schaffhauser Nachrichten. «Car, malheureusement, les récentes concessions libyennes sont difficiles à interpréter comme une volonté de travailler, désormais, de manière constructive avec la Suisse et de respecter enfin ses obligations. Mais la Libye a bien réagi à la pression, qui consistait pour la Suisse à expliquer qu’on ne joue pas au chat et à la souris» avec des otages. Qui ne sont d’ailleurs «pas en sécurité tant qu’ils ne se trouvent pas sur le territoire helvétique». Et de conclure qu’un retour peut «avoir lieu très vite, mais que cela peut aussi encore durer un certain temps».Le sentiment général, en Suisse, relève laRegioneTicino, est que «les autorités libyennes ont été convaincues de ramener les deux personnes à l’ambassade parce qu’elles voulaient éviter les critiques» de la communauté internationale. Mais «cela ne fait pas avancer la négociation d’un pas».
Enfin, l’ONG Amnesty International, relayée par la Tribune des droits humains d’InfoSud, dit, elle, ne pas disposer «d’élément sur les conditions de détention des deux Suisses. Le fait d’être détenu au secret s’apparente à une torture psychologique, à la fois pour les personnes détenues et pour leur famille. Ces personnes auront sans doute besoin d’une assistance psychologique pour se remettre d’un tel traumatisme», de son point de vue.