Le Conseil des Etats donne un signal clair de soutien aux médias. Dans son paquet d’aide structurelle, il s’est même montré beaucoup plus généreux que le Conseil fédéral en intégrant un montant de 40 millions pour la distribution matinale des quotidiens. La décision a été si serrée qu’il n’est pas exclu que le Conseil national la porte à 50, voire à 60 millions lorsqu’il traitera de ce sujet cet automne.

Le débat de ce jeudi était beaucoup plus important que celui de la session extraordinaire de mai dernier, lorsque les Chambres ont arrêté des mesures d’urgence pour pallier la chute dramatique des recettes publicitaires due à la crise du coronavirus. Cette fois, le Sénat a discuté et accepté une aide structurelle dans le cadre d’un projet du Conseil fédéral portant sur dix ans et contenant trois volets pour un montant total d’environ 90 millions de francs. Un bémol cependant: les 30 millions d’aide aux médias électroniques payants, s’ils avaient été approuvés dans un premier temps, n’ont ensuite pas passé l’écueil de la levée du frein aux dépenses, de sorte qu’ils feront l’objet d’une procédure de divergences si le Conseil national les avalise.

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L’UDC combat le paquet

Le débat d’entrée en matière n’a guère réservé de surprise. Tous les partis, à l’exception de l’UDC, l’ont prônée, au nom de l’importance systémique que les médias jouent dans le cadre d’une démocratie directe comme celle que connaît la Suisse. Mais le Sénat a tenu à soutenir avant tout la presse régionale et locale. «La concentration des médias est l’ennemie de la pluralité des opinions», a souligné Stefan Engler (Groupe du centre/GR). Ce sont ces quotidiens qui assurent la diversité de la presse et ceux qu’il faut aider à gérer leur mue, de manière à ce qu’ils puissent affronter les défis de la révolution numérique.

Seule l’UDC a combattu l’entrée en matière pour des raisons ayant moins trait à l’aide des médias qu’à la politique financière. «Nous allons devoir affronter cette année un déficit oscillant entre 30 et 50 milliards de francs au budget de la Confédération», a rappelé Hansjörg Knecht (UDC/AG). «Dans ce contexte, il n’est pas responsable de créer de nouvelles dépenses», a-t-il ajouté, remettant en cause l’aide de 30 millions prévue pour les médias payants en ligne, mais aussi un montant de 40 millions destiné à couvrir les frais de la distribution matinale des journaux.

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Deux voix socialistes dissonantes

Ce point a constitué le vrai enjeu du débat. Un groupe de travail de l’Office fédéral de la communication a calculé qu’une aide de 60 millions était vivement souhaitée par les éditeurs, mais le Conseil fédéral ne l’a pas retenue dans son projet. «Cela le déséquilibrerait», s’est justifiée la ministre de la Communication, Simonetta Sommaruga. Le Conseil des Etats l’a désavouée et s’est déchiré sur deux variantes de soutien à la distribution matinale, l’une de 40 millions et l’autre de 60 millions, défendue par Lisa Mazzone (Verts/GE). Celle-ci s’est inclinée pour trois voix. Ce sont les deux socialistes Paul Rechsteiner (SG) et Christian Levrat (FR), craignant une détérioration des conditions de travail des porteurs de la distribution matinale, qui ont fait échouer la proposition à 60 millions.

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Mais cette décision serrée laisse augurer une issue plus favorable pour les journaux au Conseil national, qui traitera ce dossier en septembre. «Je me battrai pour les 60 millions. Aujourd’hui, les lecteurs doivent pouvoir recevoir leur journal avant 7h du matin, et cela en ville comme à la campagne», relève le conseiller national et ancien présentateur TV Matthias Aebischer (PS/BE). En dépit d’une déception sur ce point, les éditeurs sont tout de même contents. «Le Conseil des Etats a reconnu l'importance démocratique des médias et fait un premier pas très positif en travaillant vite», se réjouit Thierry Mauron, président de l’association Médias Suisses et éditeur de La Liberté. Selon toute vraisemblance, les médias disposeront d’une aide structurelle dès l’an prochain déjà.