Les jeunes qui ont témoigné de leur parcours difficile se sont rencontrés au sein de l’association vaudoise VoGay, spécialisée dans le soutien aux jeunes LGBT (Lesbiennes Gay Bisexuelles Trans). Sept d’entre eux nous ont reçu dans l’un des groupes de parole organisés par VoGay. Autour de la table, ils ont eu la force d'assumer leur identité, leur sexualité, ils se sentent mieux depuis, mais ils ont traversé de véritables moments d'enfer. Certains sont effacés, la tête rentrée dans les épaules. Louis*, 18 ans, n’a pas encore parlé de son homosexualité à sa famille, «juste à deux-trois copains qui se sont montrés cools». D’autres s’épanouissent dans ce groupe comme nulle part ailleurs.
«J’étais tellement mal, qu’avec ma mère on a commencé à chercher sur internet ce que j’avais»
Leo attend ces réunions avec impatience; sans elles, il serait encore sûrement en dépression. «J’ai découvert que j’étais transgenre il y a six mois», raconte-t-il, petite tête d’ange encore pouponne, à peine sorti de l’enfance. Il ne s’est jamais identifié à son corps féminin. «J’étais tellement mal, qu’avec ma mère, on a commencé à chercher sur internet ce que j’avais.» Il a fini par rencontrer un coordinateur de VoGay Jeunes. «La personne qui m’a accueilli a proposé de me présenter au groupe de paroles en tant que Leo. C’était le plus beau cadeau que l'on puisse me faire.» A l’école secondaire, ce jeune de 14 ans ne partage pas son secret avec ses camarades, de peur d’être rejeté.
La crainte du rejet
Pour VoGay, trouver des jeunes LGBT d’accord de parler devant des classes n’a pas été difficile: eux-mêmes auraient aimé bénéficier d’une telle intervention à l’école. Florent Jouinot, coordinateur des projets Jeunes de VoGay, trouve ces témoignages essentiels. «L’anticipation de rejet des jeunes LGBT est souvent bien pire que la réaction qu’ils suscitent. Cette semaine, ils ont pu parler de leur parcours à leurs semblables, dans un cadre sécurisant et ils ont vu qu’on les a accepté.»
On me traite de gouine et je réponds: merci, je sais !
Yaëlle, Adrian, Melissa, Andrea, Lydia, Louis* et Leo ont tous souffert dans leur quête d’identité. Ils n’osent pas sortir n’importe où à Lausanne. Le port d’un chapeau melon et d’une chemise boutonnée a valu une mauvaise expérience à l’un d’eux. Andrea a été agressé par une connaissance il y a un an, il a été roué de coups et brûlé au visage avec une cigarette; son père a porté l’affaire devant la justice. Lorsqu’elle se fait insulter dans la rue parce qu'elle tient une fille par la main, Yaëlle éclate de rire. «On me traite de gouine et je réponds: merci, je sais !» Adrian a profité de son travail de maturité pour aborder le sujet qui le taraudait depuis des années, sans jamais pouvoir en parler: l’homophobie. Lorsqu’il a eu le courage de faire son coming-out devant ses parents, ceux-ci lui ont interdit d’en parler au reste de la famille. «Ça m’a fait mal et je ne les ai pas écouté. Aujourd’hui ma grand-maman adore mon compagnon.»
Le risque du suicide
Les thématiques liées à l’orientation sexuelle et à l’identité du genre demeurent des sujets trop largement tabous, selon Florent Jouinot. De nombreux jeunes répriment leurs attirances de peur d’être stigmatisés, rejetés et discriminés. Selon l'association Stopsuicide, le taux de suicide est de 2 à 5 fois plus élevé dans cette population. Le risque d’échec scolaire est une conséquence directe de l’homophobie.
Quelle suite donner à cette semaine pilote? Un référent LGBT sera nommé dans les écoles de Renens, un lieu d’accueil pour les jeunes en questionnement sera rendu visible et la journée mondiale contre l’homophobie s’inscrira dans la durée, avec un événement fort chaque année. «Dans les classes, les élèves ont vu qu’on existait et ils pourront contacter VoGay s’ils en ressentent le besoin», conclut le coordinateur.
*nom connu de la rédaction