C’est le choc chez les 180 000 frontaliers domiciliés en France qui travaillent en Suisse. Selon le journal Les Echos de vendredi, le gouvernement français envisage dès le 1er janvier 2013 de supprimer le droit de ces travailleurs de choisir leur mode d’assurance maladie, entre une compagnie privée et la Sécurité sociale. La très grande majorité des salariés optent pour des couvertures privées, qui leur coûtent moins cher et peuvent prendre en charge les soins effectués tant en France qu’en Suisse. Mais dans sa chasse aux déficits publics, le gouvernement a calculé qu’obliger les frontaliers à cotiser au système français permettrait un gain annuel estimé à 400 millions d’euros. «En faisant cela, on baisse drastiquement le pouvoir d’achat des frontaliers, c’est grave pour ces ménages mais aussi pour toute la région, des gens ne pourront pas payer, mieux vaudrait presque alors se mettre au chômage», déplore Michel Charrat, président du Groupement transfrontalier européen (GTE) basé à Annemasse (Haute-Savoie) qui regroupe 35 000 adhérents.
Guylaine Riondel-Besson, responsable des affaires juridiques au GTE, détaille: «Un salarié français classique paie une partie de la cotisation à la Sécurité sociale sur son salaire, l’employeur le reste. Un frontalier, lui, doit cotiser à 8% pour l’ensemble de sa fortune et en totalité, taux qui pourrait passer bientôt à 13,5%. Voilà pourquoi ce dernier préfère souscrire une assurance privée.»
«Je ne veux pas croire à cette annonce, tout comme nos collègues du Haut-Rhin qui sont aussi abasourdis par cette nouvelle», poursuit Michel Charrat. Le patron des frontaliers est d’autant plus surpris qu’il vient d’entrer en négociation avec le gouvernement à ce sujet. «Le président de la République a promis le dialogue avec les partenaires sociaux et je ne veux pas croire que le libre choix accordé en 2002 par le gouvernement de Lionel Jospin soit remis en cause aujourd’hui par celui de Jean-Marc Ayrault», dit-il. Le régime dérogatoire est issu d’un accord entre l’Union européenne et la Suisse sur la libre circulation entré en vigueur en mai 2002. Il arrive à échéance le 31 mai 2014. Les nouveaux dirigeants, en plein arbitrage budgétaire, souhaitent visiblement anticiper cette date. S’il est difficile de quantifier la perte nette pour le pouvoir d’achat des ménages, il est quasiment certain que la mesure va décourager les candidats au travail à postuler en Suisse. Les fonds frontaliers pourraient donc diminuer. Une salariée rencontrée au Salon transfrontalier de l’emploi, qui s’est tenu à Annemasse jeudi et vendredi, fait part de son désarroi: «Je ne pourrai plus être soignée en Suisse puisque je serai dirigée vers le régime français, qu’en sera-t-il de mon suivi médical? Et les gens qui sont traités aux HUG pour de graves maladies, ils devront aller sur Grenoble ou Lyon?»
Si la nouvelle se confirme, Michel Charrat prévoit une «grosse colère» des frontaliers: «33 000 pétitions ont été remises au préfet de Haute-Savoie pour qu’il informe le gouvernement de notre détermination à défendre le libre choix. Si nous ne sommes pas écoutés, des actions sur le terrain sont envisageables même si le Groupement y est très peu habitué.» Les responsables du Groupement ont déjà alerté les élus locaux et une question à ce sujet a été posée au Sénat par Jean-Claude Carle, sénateur UMP de Haute-Savoie.
«Si nous ne sommes pas écoutés, des actions sur le terrain sont envisageables»