Malgré la dimension émotionnelle, le lancement d’une initiative populaire, des craintes pour la sécurité sanitaire et des polémiques politiciennes, le parlement jurassien n’a pas tremblé mercredi. Par 46 voix contre 4 et une poignée d’abstentions, il a entériné la dernière étape d’une réforme hospitalière mise en route il y a plus d’une décennie. D’ici à 2011, l’hôpital de Delémont concentrera la médecine aiguë, qui aura disparu du site de Porrentruy (à l’exception des urgences).

Investissements en Ajoie

En contrepartie, l’hôpital bruntrutain bénéficiera d’investissements pour 8,5 millions afin de devenir un centre de compétences en orthopédie élective, réadaptation et gériatrie. La logique d’équivalence et de concurrence entre hôpitaux disparaît, au profit de la complémentarité. En fonction depuis deux ans, le ministre PDC de la Santé, Philippe Receveur, obtient un gros succès d’estime, malgré quelques piques lancées par les socialistes.

Le programme n’a pourtant pas franchi la dernière étape comme une lettre à la poste. Ayant déjà dû constater, impuissants, le transfert à Delémont des soins intensifs et de la maternité, Porrentruy et l’Ajoie ont renâclé. Les maires ont mis du temps à admettre la réforme, du bout des lèvres, en exigeant des garanties. A l’image du député radical Serge Vifian, tiraillé entre «les appels de ceux qui craignent pour leur sécurité sanitaire» et le vœu de «ne pas être taxé d’homme du passé», le cœur des Ajoulots balance. Une majorité d’élus du district de Porrentruy a pourtant soutenu la réforme.

Mais pas tous. En particulier le pédiatre et député chrétien-social ajoulot Pierre-Olivier Cattin, refusant de signer l’«acte de décès du site bruntrutain de soins aigus», rappelant que, dans les années 80, Porrentruy disposait du «meilleur hôpital», mais qu’«il a depuis succombé aux coups portés par une foule d’assaillants».

D’autres, en Ajoie, refusent de «se rendre». Une initiative est lancée pour le maintien de soins aigus à Porrentruy. Quelques maires, dont Gérard Guenat, de Porrentruy, font partie des initiants. Il affirme ne pas s’opposer à la réforme, mais entend rester vigilant. D’où l’initiative, qui pourrait être retirée si les garanties promises sont réalisées.

Exacerbées par une prise de position du professeur Bernhard Meier, directeur de la clinique de cardiologie de l’Hôpital de l’Ile à Berne, affirmant que la fermeture des soins aigus à Porrentruy entraînerait un à deux décès par année, en raison de l’éloignement de Delémont – ce qui a généré une invraisemblable polémique –, les réticences n’ont finalement trouvé que quelques voix éparses au parlement. Plusieurs députés contre-attaquant en déclarant que «proximité n’implique pas forcément sécurité des soins».

Séduire au loin

L’argumentaire de Philippe Receveur, soutenu par l’Hôpital du Jura, ses médecins et le Conseil de la santé, a donc convaincu. «Les pressions, en matière hospitalière, viennent de l’extérieur», a-t-il dit. Et d’asséner le précepte qu’il faut un bassin de 100 000 à 150 000 personnes pour justifier un hôpital de soins aigus, que, désormais, comparaisons et concurrence sont les enjeux. Plus question de s’entre-déchirer à l’intérieur du Jura, il faut une stratégie pour rendre la structure jurassienne attractive. Pour les Jurassiens et pour des patients venant de l’extérieur.

Ainsi, parce que le Jura coopère avec le Jura bernois, Bâle et la France voisine, il escompte accueillir des patients de ces régions. En particulier sur son site de Porrentruy pour l’orthopédie et la réadaptation. «Nous avons un bon exemple de diversification réussie, avec la Clinique Le Noirmont, qui fait de la réadaptation cardio-vasculaire», souligne Philippe Receveur, lançant finalement: «Non, nous ne laissons pas tomber l’Ajoie, bien au contraire.»