Le parlement dans l’embarras d’une solution bancale
Brexit et la Suisse
Faut-il mettre en oeuvre l’article sur l’immigration de façon unilatérale? Ou prévoir un nouveau vote populaire? L’été sera captivant

La perspective de trouver une solution consensuelle avec l’UE pour la mise en oeuvre de l’initiative «Contre l’immigration de masse» s’éloigne. Le ministre des Affaires étrangères Didier Burkhalter veut encore y croire (voir interview), mais le président de la Confédération Johann Schneider-Ammann s’est montré perplexe vendredi matin en commentant le vote britannique au nom du gouvernement: «Il n’est actuellement pas prévisible de dire si des progrès pourront encore être obtenus durant l’été», a-t-il déclaré.
«Le Conseil fédéral est toujours très déterminé à poursuivre les discussions en cours avec l’UE. L’UE avait signalé qu’elle était prête à intensifier les entretiens à l’issue de la votation sur le Brexit. Mais il est clair que la recherche d’une solution est devenue plus difficile avec la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union», poursuit Johann Schneider-Ammann. Il a tenté de joindre ses interlocuteurs européens vendredi matin. «Mais il n’était pas possible d’obtenir quoi que ce soit à Bruxelles ce matin», ajoute-t-il sur le ton de la boutade.
Les rendez-vous «techniques» agendés sont en principe maintenus. Le négociateur en chef Jacques de Watteville devrait se rendre à Bruxelles lundi. Une délégation du Conseil des Etats, emmenée par son président Raphaël Comte (PLR/NE) est en visite au Benelux en début de semaine; elle aura l’occasion d’aborder la question. Et «un contact est prévu avant l’été sur le plan politique», complète Johann Schneider-Ammann. Néanmoins, le parlement risque de se retrouver avec le seul plan B du gouvernement, c’est-à-dire une mise en oeuvre unilatérale avec un levier de sauvegarde si les seuils migratoires fixés sont dépassés.
Problème de calendrier
C’est pourquoi la question de la suite et d’une nouvelle consultation populaire se pose. La Suisse est confrontée à un problème de calendrier. L’article constitutionnel sur l’immigration exige une solution avant le 9 février 2017. En cas contraire, le Conseil fédéral devra freiner l’immigration par voie d’ordonnance. On sait déjà que ce calendrier ne pourra être formellement tenu.
Comme les exigences fondamentales de l’initiative (contingents, plafonds, préférence indigène) sont incompatibles avec la libre circulation des personnes, le vice-président du PLR, Christian Lüscher, admet qu’il faudra demander aux électeurs de préciser leur priorité. Les Verts et le Nouveau mouvement européen de Suisse (Nomes) demandent eux aussi un «vote de clarification». Ils ont le soutien de l’Association suisse de politique étrangère (ASPE). L’idée d’un nouveau scrutin est rejetée par l’UDC.
Deux scénarios sont néanmoins envisageables. Premièrement: préparer une loi d’application comprenant un mécanisme d’intervention unilatéral en cas d’immigration excessive. Si elle ne contient aucun chiffre pour des contingents ou des plafonds migratoires, elle sera combattue par l’UDC, qui demandera le référendum. Une majorité du peuple pourrait pourtant la soutenir, considérant que le maintien de la libre circulation prime sur la mise en oeuvre stricte des exigences constitutionnelles.
Deuxièmement: élaborer un contre-projet apportant des nuances à l’initiative populaire RASA. Celle-ci de purement et simplement supprimer l’article constitutionnel sur l’immigration. Elle est si extrême qu’elle n’a aucune chance. Mais deux propositions de contre-projets ont déjà été déposées.
La première vient du Nomes. Elle suggère de préciser dans la Constitution que la restriction de l’immigration ne s’applique pas aux relations entre la Suisse et l’UE. La seconde émane de l’atelier de réflexion Foraus. Elle propose de biffer les références aux plafonds, aux contingents et à la préférence nationale et d’ajouter un alinéa qui dirait que «la Suisse gère l’immigration des étrangers de manière autonome en fonction de ses intérêts économiques globaux.»
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