En juin 2018, sous la pression du lobby de l’armement, le Conseil fédéral indiquait vouloir autoriser la livraison d’armes dans des pays en proie à un conflit interne. La branche suisse est en danger, avertit alors le Conseil fédéral, qui revendique un assouplissement de loi pour soutenir sa croissance. La décision du gouvernement ne pourrait tomber plus mal: quelques mois plus tard, en septembre 2018, le SonntagsBlick révèle que des grenades helvétiques qui auraient fait partie d’un lot livré par Ruag aux Emirats arabes unis au début des années 2000 ont été réexportées illégalement en Syrie. Toujours en septembre, un rapport du Contrôle fédéral des finances vient mettre en lumière des lacunes lors des contrôles suisses effectués à l’étranger et souligne que «des transactions non autorisées depuis la Suisse peuvent tout de même se faire via des pays intermédiaires».
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La polémique explose et, en septembre dernier, le Conseil national sanctionne sévèrement la politique du gouvernement en acceptant la motion du PBD qui souhaite transférer au parlement le pouvoir de fixer les critères d’autorisation d’exportation de matériel de guerre et, si nécessaire, de les soumettre au référendum. Sous pression, le gouvernement, qui disposait jusque-là de la prérogative unique de fixer les règles en la matière, fait machine arrière. «La réforme ne bénéficie plus du soutien politique nécessaire et pourrait avoir des effets contre-productifs sur la pratique actuelle en matière d’autorisation d’exportation», admet le gouvernement. Le Conseil des Etats a manifestement jugé ce rétropédalage convaincant.
Prochaine étape: l’initiative
Si la fronde antigouvernementale n’a pour finir pas triomphé au parlement, les débats ont été vifs. «Nous discutions déjà du même sujet en 2014, puis il est revenu sur la table l’année dernière. Va-t-on recommencer dans quatre ans?» s’est interrogée la sénatrice vaudoise Géraldine Savary. «Peut-on vraiment prôner la pacification et autoriser des ventes d’armes en Arabie saoudite en pensant qu’elles vont servir à l’éducation?» s’est également emporté le socialiste Daniel Jositsch. «Notre réputation doit être au-dessus de tout soupçon, a-t-il souligné. Et elle a également des retombées économiques.» Les partis de gauche n’étaient pas les seuls à pousser pour davantage de contrôles. A l’initiative d’une motion, le PLR neuchâtelois Raphaël Comte a également déploré que le Conseil fédéral «donne l’impression qu’il attend les scandales pour prendre des mesures».
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Inflexible, le conseiller fédéral UDC Guy Parmelin n’a toutefois pas flanché et a recommandé – avec succès – le rejet des deux objets. «Une initiative correctrice devrait être déposée bientôt. Selon notre point de vue, il ne fait pas de sens de traiter ces deux instruments en parallèle», a argumenté le Vaudois. Annoncée dès décembre dernier en réaction à la volonté du Conseil fédéral d’assouplir la loi, celle-ci vise deux choses: l’inscription définitive dans la Constitution de l’interdiction de vendre des armes aux pays en conflit interne ou international et l’interdiction de vendre du matériel de guerre aux pays qui violent «gravement et systématiquement» les droits humains. Les 100 000 signatures nécessaires ont d’ores et déjà été récoltées, ce sera donc bientôt au peuple de trancher. Le débat s’annonce animé.
En 2018, les exportations de matériel de guerre se sont chiffrées à 509 millions de francs. En augmentation de 63 millions de francs par rapport à l’année d’avant.
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