Ce geste est rendu possible grâce à des proches, en premier lieu l'industriel André Kudelski, qui financent l'opération par conviction envers le politicien de Sainte-Croix. Avec une telle précommande, l'éditeur pourtant modeste, les Presses du Belvédère, sises justement dans la cité du balcon jurassien, affiche un tirage impressionnant à l'échelle romande: 12000 exemplaires.
Tourner sa langue...
Pascal Broulis a donc voulu prendre le temps de la réflexion. Quitter son costume de grand argentier tout en tirant les leçons du rétablissement des finances cantonales. De «Avenir» à «Zazie dans le M2» en passant par «Ecologie», «Laissés-pour-compte» ou «Sécurités au pluriel», il dresse le dictionnaire de sa politique, à commencer par son désormais fameux principe des petits pas en matière d'économies.
Pourquoi un abécédaire? Parce que l'ordre alphabétique oblige à résumer ses idées, dit Pascal Broulis, «à tourner sa langue sept fois dans sa bouche». Certaines phrases montrent cependant qu'il n'a pas toujours attendu le septième tour: «Les Vaudois vivent plus longtemps. Tant mieux», ou: «Une chose est sûre: 2050 ne ressemblera pas à nos jours.»
Centrisme raisonné
Reste l'inventaire d'un centrisme raisonné, pour lequel l'autorité cantonale stimule l'économie tout en «luttant contre les dérives du libéralisme sauvage». Le conseiller d'Etat constate ainsi cette «évolution catastrophique» qui fait qu'une «frange grandissante de la population est fragilisée». Il en appelle à la formation, facteur de promotion sociale et d'intégration.
Il salue aussi la «xénophilie» de la grande majorité des Vaudois, tout en se prévenant d'angélisme. Il justifie son attitude «ingrate» de nettoyeur des finances publiques tout en défendant les investissements concédés ces dernières années, le M2, les structures pour la petite enfance, l'extension de l'Ecole cantonale d'art de Lausanne ou les réseaux de soins à domicile. Naturellement diplomate, le radical décoche peu de flèches, sinon pour écorner les écologistes qui se sont opposés aux éoliennes de Sainte-Croix, fustiger l'idée de filière unique à l'école (débat «particulièrement malvenu»), tancer les employeurs qui recourent au travail au noir, les pourfendeurs du fédéralisme («l'uniformisation risque de conduire à la disparition pure et simple des cantons») ou ceux qui veulent enterrer la concordance dans les gouvernements.
L'écriture, selon son éditeur Jean-Claude Piguet, doit permettre de mieux connaître l'homme Broulis et sa pensée. La démarche révèle surtout ses facettes, voire ses contradictions. Une pudeur bien vaudoise - «je me dévoile peu», prévient-il - doublée d'une mise en scène personnelle, que caricature doucement l'illustrateur, Sen. Pascal Broulis réfléchit et se met en avant, sans excès. Un genre d'hybris de Sainte-Crix, une forme arrondie de narcissisme, à la vaudoise.