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Le passeport covid, l’idée qui divise

Faut-il introduire un certificat pour les gens s’étant fait vacciner et les récompenser pour cet acte de solidarité? Un sondage montre que la population réagit de manière très contrastée

Un volontaire reçoit un vaccin contre le coronavirus à Oxford, le 23 novembre 2020.  — © University of Oxford/John Cairns via AP
Un volontaire reçoit un vaccin contre le coronavirus à Oxford, le 23 novembre 2020.  — © University of Oxford/John Cairns via AP

Le débat gagne en actualité alors qu’un premier vaccin contre le Covid-19 devrait être disponible en Suisse dans les prochaines semaines. Faut-il introduire un «passeport covid», comme l’appelle le site Comparis.ch, qui vient de réaliser un sondage auprès de plus de 1000 personnes dans toute la Suisse? Les résultats en sont contrastés. Si une grosse majorité rejette l’idée d’une «discrimination négative», l’opposition faiblit nettement en cas d’incitation positive.

Première leçon du sondage: la population se montre très sceptique à l’idée d’instaurer une société à deux vitesses. Quelque 78% des personnes interrogées ne veulent pas que l’on pénalise les opposants au vaccin en les empêchant d’accéder à certaines infrastructures ou services. Sur ce point, les réponses sont assez homogènes entre les régions linguistiques et les classes d’âge.

Deux fossés

«Cette grande solidarité est une constante dans les sondages», remarque Felix Schneuwly, expert de la santé chez Comparis. Mais celui-ci s’empresse d’ajouter que la vaccination est aussi un acte de solidarité. «A ce titre, elle devrait être récompensée.»

C’est là le deuxième enseignement du sondage. Ici, l’opposition à une récompense baisse à 59%. Selon Felix Schneuwly, une «discrimination éthiquement correcte» consisterait par exemple à mieux protéger les personnes dénuées de passeport covid dans les grandes manifestations en leur demandant de respecter des mesures de précaution comme le port du masque. Sur ce point, Comparis relève deux fossés, entre les genres et les niveaux de formation. Les hommes sont deux fois plus nombreux à plébisciter la récompense que les femmes. Même remarque pour les titulaires d’un bachelor ou d’un master, plus enthousiastes que les personnes possédant un niveau de formation moins élevé.

Lire aussi: Les vaccins: de la science, pas de la sorcellerie

Dans l’ensemble, ce sondage rejoint une étude faite par les HUG durant la première vague du Covid-19. «Au printemps dernier, nous avons dû penser que l’inimaginable pourrait devenir imaginable», explique le professeur Idris Guessous, chef du service de médecine de premier recours et investigateur de l’enquête, qui a soumis l’idée d’un «certificat immunitaire» sous la forme d’un code QR. Les gens s’avouent partagés: 60% y souscrivent, mais 68% y décèlent aussi le risque d’une stigmatisation. «J’aimerais beaucoup ne pas avoir à utiliser un tel certificat, mais je préfère travailler à offrir des solutions pour éviter des discriminations si celui-ci devait être imposé», précise Idris Guessous.

Au parlement, les avis sont aussi très partagés. Membre de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS), Céline Amaudruz (UDC/GE) accueille favorablement la perspective d’un passeport covid. «Tout document permettant de favoriser notre liberté individuelle et économique est bon à prendre. Il permettrait notamment à l’économie d’éviter des confinements, même s’il faudrait veiller à ne pas contrôler abusivement les gens.»

De l’approbation au scepticisme

Philippe Nantermod (PLR/VS) abonde dans ce sens. «L’idée ne m’enthousiasme pas, mais elle s’avérera indispensable dans certaines circonstances, surtout si l’on n’atteint pas le seuil garantissant une immunité collective», fait-il remarquer. Il trouverait ainsi logique que les visites dans les EMS soient soumises à la condition de posséder un tel passeport.

Aux yeux de la diabétologue Brigitte Crottaz (PS/VD), la question est pourtant prématurée. «Trop d’inconnues subsistent sur l’efficacité d’un vaccin. Et nous n’avons encore aucune indication sur la durée de validité de l’immunité induite par la maladie ou par la vaccination», note-t-elle. Elle peut toutefois envisager qu’une telle mesure soit imposée pour se rendre dans certains pays. «Toute discrimination est inacceptable. Personnellement, je suis persuadée que les gens se feront vacciner dès le moment où le vaccin aura prouvé son efficacité.» Présidente de l’association des hôpitaux H+, Isabelle Moret (PLR/VD) s’avoue tout aussi sceptique sur le fond. «Notre première préoccupation doit être de se procurer suffisamment de vaccins, puis d’organiser une campagne pour inciter les gens à y recourir.» Pour elle, pas question de sanctionner les réfractaires au vaccin en les empêchant d’accéder à certaines infrastructures.

Enfin, Léonore Porchet (Les Verts/VD) est la plus tranchée dans sa conviction de faire appel à la responsabilité individuelle. «Plutôt que de pousser les gens à se faire vacciner avec des cadeaux ou par des menaces de désavantages, ce qui me paraît déjà problématique, je préférerais qu’on les informe suffisamment pour qu’ils puissent se déterminer en toute connaissance de cause pour protéger leur santé et celle de leurs proches.»