L’interruption prolongée du trafic ferroviaire entre Lausanne et Genève stupéfie. Cet axe clé pour la Suisse romande est de plus en plus fragile. Le directeur des CFF, Vincent Ducrot, doit s’emparer urgemment de cette question

Vu de Berne ou de Zurich, ce n’est peut-être pas un drame. Et pourtant, l’artère vitale de la Suisse romande est bouchée depuis deux jours. La colère gronde, car la suppression des trains entre Lausanne et Genève se prolonge, avec de lourdes conséquences sur la vie privée et professionnelle de dizaines de milliers de personnes. Particulièrement malvenue au moment où les trains sont de nouveau pleins.
Cet épisode illustre, une fois encore, la fragilité extrême de la ligne Lausanne-Genève, trop longtemps négligée. Pour cet axe central, il n’existe aucun plan B, pas d’itinéraire de contournement, contrairement à Berne-Zurich.
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La solution aurait pu être la création d’une 3e voie entre les deux cités lémaniques. Or ce projet n’a jamais été considéré comme une priorité. Surtout lorsque le conseiller fédéral Moritz Leuenberger était aux affaires et que les investissements ferroviaires concernaient prioritairement la Suisse alémanique. Depuis, les cantons romands sont montés au créneau et la situation évolue positivement, avec de gros projets du côté de Renens ou de Lausanne. Mais le temps presse.
Un homme doit être le garant d’un réseau efficace et fiable sur l’ensemble du territoire suisse: Vincent Ducrot. Ancien patron des Transports publics fribourgeois (TPF), il est à la tête des CFF depuis avril 2020.
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Sa nomination a été largement saluée et annonçait une ère nouvelle après celle, mitigée, d’Andreas Meyer. Une période marquée par un manque d’anticipation, que ce soit pour les travaux d’entretien ou le nombre de mécaniciens. La Suisse romande est d’ailleurs la principale victime de ce déficit de personnel, lequel a engendré la suppression de nombreux trains, multiplié les retards, allongé les temps de trajet et accru les tensions parmi les voyageurs.
Vincent Ducrot a hérité de ces vestiges du passé. Aujourd’hui, l’état de grâce est terminé pour lui. Le Fribourgeois se retrouve face à sa première grande crise ferroviaire. Le patron doit faire ses preuves. Dans l’immédiat, sa mission est d’apporter des réponses rapides et réalistes pour éviter qu’un tel incident ne paralyse toute une région; s’assurer que les responsabilités de chacun soient très vite établies; dédommager les milliers de voyageurs touchés de plein fouet par cette immense panne.
L’homme est sous pression maximale. Avant même ce grave incident, la ministre des Transports, Simonetta Sommaruga, avait eu des propos très fermes sur l’importance de la ponctualité, de la fiabilité et de la sécurité des transports publics. La gravité de la situation ne doit aucunement être minimisée.
A Vincent Ducrot de jouer pour retrouver la confiance des voyageurs, en particulier des Romands.
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Il y a 6 mois
On pourrait aussi ajouter aux solutions évoquées (4e voie, nouvelle ligne vaudoise) un contournement du lac par la France avec une voie Annemasse-Thonon-Evian-Le-Bouveret dont la plateforme et le rail existent. On devrait aussi évoquer une nouveau zonage du sol et une législation foncière redonnant une meilleure mixité Habitat/Travail pour réduire l'effet pendulaire (on a en effet répondu à la crise du logement en le déportant loin du travail et en créant cet effet pendulaire, d'abord par les autoroutes, maintenant par le ferroviaire. Et ce ferroviaire accentue les polarités : Renens, Eaux-Vives, Lancy-Pont-Rouge p. ex.)
Il y a 6 mois
La troisième voie entre Genève et Lausanne a surtout été balayée par les oppositions des riverains ; la légende raconte qu’il y avait une opposition par mètre de voie! Tout le monde veut prendre le train (du moins un certain nombre), mais personne ne veut le voir passer devant chez lui! Bon courage au nouveau tracé ! Après, il faut toujours considérer que nous sommes trop bien habitués en Suisse (pour tout, d’ailleurs) et que globalement les TP fonctionnent plutôt bien à très bien (avez-vous pris le train chez nos voisins (en pendulaire ou du moins régulièrement, pas en vacances et hors réseau de métropole type RER ?). C’est une habitude de pays riche de se plaindre de tout au lieu de voir ce qui fonctionne vraiment. Personne ne demande de dédommagement pour le temps perdu sur nos autoroutes constamment en travaux (ce qui est nécessaire!) ? Des incidents arrivent, c’est normal, c’est la vie.
Il y a 6 mois
Je ne connais pas un pays au monde où la circulation des trains, coordonnée avec celle des bus postaux, est aussi bien organisée: très large réseau, qui permet d’aller partout. Presque toujours à l’heure. Personnel aimable. Le travail de coordination des horaires est en soi un miracle, de même que celui de l’entretien des voies. Et la période Covid a été certainement très compliquée mais on reprend nos trains comme s’il ne s’était presque rien passé.
Alors pour un problème imprévu, rare, un gros trou, (ma foi cela arrive j’imagine,) vous les Journalistes, pourquoi toujours des grandes envolées lyriques, « fin de lune de miel, fin de l’etat de grâce » etc qu’en savez-vous de l’état de grâce d’un patron des cff?
Vincent Ducrot a fait et fera son boulot, et oui on est bien embêté nous les usagers mais on sait que les systèmes qui n’ont pas de failles occasionnelles n’existent pas. Et nous sommes reconnaissants qu’un train n’ait pas déraillé.
Il y a 6 mois
A l'heure du télétravail il est étonnant de revenir de nouveau même débat. La plupart des pendulaires travail dans des bureaux. Et la plupart peuvent télétravailler quelques jours. Pour les autres des bus sont activés et ma fois le co-voiturage pour les plus courageux est là aussi...La côte entre Genève et Lausanne est quasi totalement urbanisée. Des villages historiques, des zones commerciales et de services énormes, des vignes millénaires, des quartiers de villas, des maison de maîtres parsemment ce territoire. Sans compté les terrains agricoles et le peu de zones naturelles qui subsistent. Je vois mal comment il serait possibles de construire une nouvelle ligne ferroviaire au milieu de ce paysage délicat. A moins de l'enterré sur tout son parcours... 60 km de tunnel. 10 ans de mise à l'enquête et de projetation. 10 ans de recours au minimum, 10 à 15 ans au mieux de percements, travaux et nuisances en travaillant d'arrache pied... voilà ce qui attend les riverains. 35 ans. D'ici là bonne chance.
Il y a 6 mois
Je me rallie aux commentaires de Philippe, Jérome et Laurence. Je crois que nous sommes très inconséquents: une voie complémentaire au pied du Jura serait peut être une bonne solution, mais nous imaginons aisément la levée de bouclier, pour protéger paysage, biodiversité et que sais-je. Alors, oui soyons heureux que les trains n’aient pas déraillé. Qu’il n’y ait pas de dégat humain direct. Et exprimons reconnaissance à ceux qui ont identifié et réparent ces dégats.
Il y a 6 mois
qu'ils ont bien fait de laisser tomber le Swissmetro, preuve est faite que c'était une solution inutile.....
Il y a 6 mois
Ayant vécu longtemps à Zurich, je ne m'étonne pas de cette situation. Elle découle du fait que vu de Suisse allemande, il n'y a pas de raison de doter d'infrastructures et de personnel en suffisance une région qui n'adhère pas à 100% avec une politique des transports uniquement axée sur le train et dont le statut s'apparente aux vaches sacrées indiennes. Autant dépenser les budgets à disposition là où ils sont reçus avec grâce plutôt que d'être critiqués ou combattus. (voir les autres commentaires).
De plus, la vision à long terme n'est pas une vertu très répandue chez nous. La démographie galopante de la région lémanique commence à être prise en compte. Pourtant elle ne date pas d'hier et la réalité d'une région économique se développant plus vite que celle de Zurich n'est toujours pas perçue par nombre de nos compatriotes et politiciens alémaniques.(qui font les lois sans se soucier le moins du monde de notre région) Enfin, nos édiles sont accaparés par leurs luttes intestines et semblent avoir oublié de défendre avec âpreté le besoin vital d'infrastructures capables de faire face à des situations de crise comme celle qui nous occupe actuellement quant aux CFF et tous les jours quant à l'autoroute sur laquelle se produisent quotidiennement au moins un accident (voire plus) dus à l'engorgement chronique de cette liaison qui date de 1964 et sur laquelle seuls les environs de Lausanne ont bénéficié de quelques améliorations. Au delà du trou d'Allaman, le manque de vision, la provincialisme exacerbé et la politique du "il n'y a pas le feu au lac" mettent en danger l'attractivité de notre région. Et pourtant, les impulsions quant à l'avenir de notre pays viennent toujours et encore de Zurich, pas de Berne, Lausanne ou Genève. Ce serait le moment que ça change.
PS. Je suis d'origine zurichoise, parle parfaitement le suisse allemand et ai vécu 20 ans à Zurich. Mon commentaire n'est donc pas une réaction épidermique de Welsch frustré!!
Il y a 6 mois
Le contournement du lac par la France via la ligne du Tonkin serait une excellente idée permettant une solution rapide (moins de 10 ans) au problème d'enclavement ferroviaire de Genève ainsi qu'un bon moyen d'inciter les pendulaires frontaliers à prendre les transports publics pour venir à Genève tout en favorisant à nouveau la coopération transfrontalière.
Il y a 6 mois
Concernant le ferroviaire (et la route), la suisse alémanique (Zürich et Berne surtout) ne se préoccupe que de sa région et les connexions avec la suisse romande ne sont largement pas au premier plan. Cette impression je l’ai vécue « sur place » car j’ai habité Bâle, je parle le bâlois, mais suis originaire de Genève. L’idée d’un contournement du lac Léman par la côte française est réaliste et nécessiterait une réhabilitation entre Evian et Saint-Gingolphe. Belle coopération transfrontalière en perspective, mais je crains que du côté suisse alémanique on ne comprenne pas et donc qu’on ne suive pas. Les régions économiques restent à mon avis, toujours et encore, en concurrence, non ?
Il y a 6 mois
Des solutions existent : 3+4ème voie ou ligne du Tonkin ou "tunnel de base du Jura". Mais comment les financer? Sans compter toutes les oppositions... Notre pays a refusé l'augmentation du prix de la vignette auto de 40 à 300 chf par an il y a 7 ans pour financer les infrastructures routières et ferrovaires en partie. Une décision de porte-monnaie malheureusement...
Refinançons le rail efficacement en conjonction avec un réseau routier de qualité et un retour à une meilleure mixité lieu de vie/travail. La solution n'est pas un extrême ou l'autre mais un mix équilibré et pondéré de toutes ces solutions. Ce sont des décisions stratégiques sur l'intégralité du terriroire qui doivent être rapidement mises en oeuvre par la confédération et non juste pour la Romandie (même s'il y a objectivement urgence).
Il y a 6 mois
Je m'étonnais déjà qu'on puisse prévoir et réaliser deux mois sans liaison ferroviaire directe entre la capitale officielle de la Suisse et les capitales dite juridique et diplomatique, sans que se la crée une opposition autre que formelle en Suisse romande. Et cela au temps des défis climatologiques liés à la mobilité. L'augmentation de la capacité entre Genève et le reste de la Suisse devrait être faite depuis longtemps, sachant que les voyageurs vont à Lausanne, mais poursuivent aussi sur Vevey et Sion, sur Fribourg et Berne, et que 90% de la ligne est utilisé par ceux qui vont sur Yverdon en direction de Bâle ou de Olten-Zürich. Cela dit hors des heures de pointes ce bout "d’entonnoir" provoque aussi une multitude de convoi très peu utilisés. Et si depuis toujours les Suisses n'avaient pas peur d'être paterné par leurs voisins, il y a longtemps qu'on se demanderait pourquoi il faut par le bout du lac pour joindre Annemasse depuis Vevey (pas seulement en train d'ailleurs).
Ce qui m'étonne face aux réactions des ses dernières heures, et déjà depuis les travaux visibles et souvent désagréablement sensibles sur cette voie, c'est que de toute évidence nous pensons le train, comme au temps ou une grosse chaudière et beaucoup de charbon était nécessaire pour tirer quatre wagons sur des rails. On continue à commander des toujours plus gros machin, toujours aussi inconfortables quand il sont pleins, et encore plus encombrants quand ils sont vide? Avec la même incompatibilité avec les tenants de la voiture, ou le propriétaire décide de tout, de la fumée permise ou non, à la musique écoutée, sans parler du bruit des ses pots d’échappements, avec la certitude, sans accidents, de ne pas rencontrer de personne dérangeante, mais aussi la certitude de ne jamais faire une rencontre inattendue.
Je me plais d'imaginer que si l'informatique c'était développée avant la traction, tout notre système de mobilité terrestre serait sur rail. De fait, comme l'on a rapidement, en montagne remplacé les bennes par des cabines, il nous faudrait des systèmes de transport communs plus légers et plus souples. Car autant je sais combien il est sympa de voyager à 1 ou 2 par compartiment de quatre et de se laisser conduire pendant qu'on travaille ou se repose sur les longues distances, autant les attentes, les transbordements rendus difficiles par la circulation des voitures en ville sont plus désagréables. Et le fait que les attentes se font de plus en plus en gare, nettement plus inconfortables que de rester bloquer dans le train.
Je sais qu'un duplo explique beaucoup dans l'inertie de nos idées. Mais peut-être que les urgences climatiques, sociales et économiques (toutes liées d'ailleurs) demanden nos talents d'imagination
Il y a 6 mois
@Pierre, je partage votre vue sur la conjonction (je dirai la complémentarité) et la mixité. J'y ajouterai encore de favoriser le tissu social local (qui n'a rien à voir avec un discours anti-globalisations). Je ne suis pas d'accord sur des systèmes de taxations qui ne respectent ni les principes du polueur payeur, ni ne touchent ceux qui ont les moyens de se moquer de leur emprunte écologique. Et je ne veux pas, ni à Genève, ni à Fribourg (exemple que je connais) des gens passer par la ville, pour éviter de devoir payer une vignette pour seulement utiliser les contournements (dans le cas de seconde voitures principalement).
Il y a 6 mois
Une troisième voie proche des deux autres n'aurait rien résolu. Il est temps de reprendre le projet swissmetro que les CFF avaient saboté.
Il y a 6 mois
C’est aujourd’hui qu’on peut regretter le fantastique projet du Swissmetro…
Il s’agissait de créer un métro sous vide d’air et donc enterré, la ligne de test avait été prévue entre Lausanne et Genève. Finira-t-on part l’envisager ?