La Suisse a un nouveau ministre de l’Economie depuis trois jours. Le remplacement de l’ex-industriel Johann Schneider-Ammann par l’ex-viticulteur Guy Parmelin a éveillé de grands espoirs dans le monde agricole, qui s’est senti délaissé par le libéral-radical bernois. A l’occasion de sa conférence de presse de début d’année, jeudi dans la froideur hivernale d’un domaine agricole de moyenne montagne à Hergiswil bei Willisau (LU), l’Union suisse des paysans (USP) a exprimé ses attentes envers le nouveau chef du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR).

«Il connaît bien notre secteur. Nous attendons de lui qu’il prête une oreille plus attentive à nos revendications lorsqu’il reprendra le dossier de la Politique agricole 2022+, actuellement en consultation», commente le directeur de l’USP, Jacques Bourgeois (PLR/FR). La faîtière paysanne a adopté en novembre une résolution qui détaille ses espérances. Elle demande que les conditions-cadres soient stabilisées, que la situation économique des exploitations familiales soit améliorée, que les prestations d’intérêt général (entretien du paysage, biodiversité, sécurité de l’approvisionnement) soient correctement couvertes par les paiements directs et que la bureaucratie soit réduite. Or, «le projet mis en consultation ne permet de répondre à aucune de ces attentes», déplore l’USP.

Propositions «révoltantes»

Jacques Bourgeois souhaite que Guy Parmelin s’engage avec fermeté contre l’initiative populaire «Pour une eau potable propre et une alimentation saine». Elle veut limiter le versement des paiements directs aux agriculteurs qui renoncent aux pesticides et aux antibiotiques. Le Conseil fédéral a décidé en juin d’en recommander le rejet sans contre-projet. S’il admet que les paysans peuvent encore faire des efforts pour s’améliorer, le président de l’USP, Markus Ritter (PDC/SG), assure cependant que «l’eau potable peut être consommée sans danger dans toute la Suisse».

L’USP compte aussi sur Guy Parmelin pour corriger certains aspects de la révision de la loi sur l’aménagement du territoire pour les constructions en dehors des zones à bâtir. L’avant-projet mis en consultation contient selon Markus Ritter quelques propositions «révoltantes», telles que des obligations de démolir ou des exigences pour la détention d’animaux.

L’importance du secteur primaire

Plus globalement, l’USP aimerait que le rôle joué par l’agriculture dans l’économie soit revalorisé. Etude à l’appui, elle veut convaincre la population que le secteur primaire pèse plus que sa part au produit intérieur brut, qui est de 0,6%. «Nous ne pouvons pas rivaliser avec les grands créateurs de richesse que sont les banques, les assurances ou l’industrie pharmaceutique. Mais il est tout à fait inapproprié de prendre le PIB pour mesurer le poids réel de l’agriculture dans l’économie», argumente Francis Egger, membre de la direction. Si l’on inclut les «consommations intermédiaires» telles que le commerce de machines agricoles, la construction, les services vétérinaires et les activités annexes exercées par les agriculteurs, ce ne sont pas 2,5% mais 8% de tous les emplois qui dépendent de ce secteur sur le plan national, ajoute-t-il.

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Guy Parmelin a déjà prévenu les paysans: il ne pourra pas répondre à toutes leurs attentes. Il se sait surveillé par les autres secteurs de l’économie, qui demandent la poursuite de la politique d’ouverture des marchés menée par son prédécesseur dans le cadre d’accords de libre-échange. «La Suisse a besoin de ces accords. Nous en sommes conscients. Mais si l’agriculture est incluse assez tôt dans les discussions, on peut trouver des compromis, comme c’est le cas avec l’Indonésie», relève Jacques Bourgeois.