Publicité

Le PDC est déjà en proie à des manœuvres qui mettent Doris Leuthard sous pression

Et si la déclaration d'Urs Schwaller, qui ne sera pas candidat contre l'Argovienne, était moins altruiste qu'il n'y paraît? Des soupçons portent sur des sénateurs qui maniganceraient pour cantonner Doris Leuthard à la présidence.

Les démocrates-chrétiens entonnent systématiquement le même refrain: «Si Doris le veut, elle se lancera, et nous la soutiendrons.» Harmonie de façade? Certains dénoncent des manœuvres en préparation depuis l'annonce, jeudi, de la démission de Joseph Deiss. Des machinations qui voudraient freiner l'Argovienne dans sa course au Conseil fédéral. Samedi, lors de l'assemblée des délégués à Coire, des comportements équivoques pouvaient être observés (LT du 01.05.2006). Mais, selon des élus PDC, le «coup bas» serait devenu manifeste plus tard: dimanche soir, pour être précis, lorsqu'Urs Schwaller a déclaré haut et fort, à la Télévision suisse romande, ce qu'il n'avait fait que murmurer au préalable: si Doris Leuthard est candidate, lui, chef du groupe parlementaire, n'opposera pas de concurrence.

A priori, un geste d'élégante abnégation, qui laisse les coudées franches à la présidente du parti et contribue à maintenir la cohésion au sein du PDC. «Nous collaborons et nous nous entendons très bien. Un combat électoral laisserait forcément des séquelles», explique Urs Schwaller.

«Il suffit d'ouvrir les yeux!»

Grand seigneur? «C'est une grille de lecture», glisse un élu PDC. A ses yeux, c'est manifeste: les calculs ont débuté sous l'impulsion du sénateur fribourgeois et de conseillers aux Etats complices. «La stratégie est simple: elle consiste à exercer une pression intenable sur Doris Leuthard.» Joseph Deiss aurait lui aussi fait sa part et, volontairement ou non, des présidents ou secrétaires cantonaux auraient apporté leur concours, ajoute un autre parlementaire. Paranoïa? «Il suffit d'ouvrir les yeux! Pardonnez-moi, mais c'est dégueulasse!»

Les «conspirateurs» sont tout d'abord accusés de détourner subrepticement l'enjeu. «Dorénavant, c'est tout juste si le débat ne porte pas moins sur la succession au Conseil fédéral que sur la présidence du parti», déplorent les deux parlementaires. Cela ne serait pas qu'une question de bon sens. Bien sûr, il ne sera pas facile de remplacer Doris Leuthard. «Mais il le sera d'autant moins qu'on la présente comme irremplaçable. Et que les papables refusent d'assumer leurs responsabilités.» Pour rappel, tant Urs Schwaller que son collègue aux Etats, le Schwyzois Bruno Frick, ne souhaitent pas reprendre les rênes du parti.

Craintes de la base attisées

D'après les dénonciateurs des manigances, l'annonce de leur désintérêt s'est révélée trop précoce pour être honnête. Ce qui aurait encore attisé les craintes de la base pour l'avenir du parti - à commencer par la perspective des élections fédérales de 2007 -, craintes que Doris Leuthard a pu percevoir de façon tangible.

Des responsables cantonaux du PDC ont en effet plaidé dans la presse pour qu'elle s'oppose à Hans-Rudolf Merz, voire à Christoph Blocher, lors d'une élection ultérieure. Des parlementaires ne se sont pas gênés de le lui faire comprendre sans détour: «Oui, j'ai dit en face à Doris Leuthard que je jugeais préférable qu'elle reste à son poste.» La confidence est signée Theo Maissen. Le sénateur grison participe-t-il à ce qui est décrit comme «une combine»? «Manœuvrer serait contre-productif, défend-il. D'autant que cela reviendrait à affaiblir Doris Leuthard si elle reste présidente.»

Joseph Deiss utilise une tournure inhabituelle

Les «protecteurs» de l'Argovienne le subodorent néanmoins: «Il y a probablement eu un accord entre des conseillers aux Etats. Si Doris Leuthard se lance, Urs Schwaller cède la place à un autre concurrent potentiel, par exemple à Bruno Frick. Si elle n'est pas candidate, le chef du groupe parlementaire s'ouvre un boulevard devant lui.»

Serait-ce également la raison pour laquelle il est favorable, tout comme Theo Maissen, à une candidature unique, avant même que le parti n'ait évoqué la stratégie à suivre? «C'est une manière d'en rajouter une couche. L'ensemble de la responsabilité repose désormais sur les épaules de Doris Leuthard», relève un observateur extérieur.

Joseph Deiss, quant à lui, est soupçonné d'avoir voulu profiler, en amont, un favori à sa succession. Une figure du PDC le rappelle: «En choisissant ce moment pour démissionner, il a desservi le parti mais avant tout Doris Leuthard, de surcroît en la prenant de court.»

Le conseiller fédéral a par ailleurs utilisé une tournure plutôt inhabituelle dans son discours, samedi. Cela n'a pas échappé aux élus présents: «A plusieurs reprises, il a entamé ses phrases par: «Chère Doris, cher Urs». Ce n'est pas anodin, commente l'un d'eux. En général, on s'adresse à la présidente puis à l'assistance dans son ensemble.» Par ailleurs, son allocution comportait un avertissement qui paraissait cibler plus spécifiquement la figure de proue. Il a souligné qu'il fallait éviter de slalomer. Et se méfier d'un Conseil fédéral où il est difficile de travailler. L'observateur conclut: «Nous sommes bel et bien entrés dans la phase chaude de la course à la succession.»