Pédophilie: un livre accuse l'Eglise
SUISSE ROMANDE
Une victime demande au clergé d'assumer les faits.
L'un des effets de la crise des prêtres pédophiles, qui a frappé le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg en hiver dernier, a été de faire sortir de nombreuses victimes d'un long silence. Parmi d'autres, Gérard Falcioni a recueilli leurs témoignages. Lui-même abusé par un curé durant son enfance, ce Valaisan de 54 ans avait déjà publié deux livres pour exorciser son mal. Il a repris sa plume, pour faire part de son écœurement face à une Eglise catholique qui, selon lui, tente de minimiser, voire d'évacuer, les problèmes de pédophilie auxquels elle est confrontée. Son nouvel ouvrage* vient de paraître.
Rédigé dans un langage simple, sans fioritures, il se lit d'une traite. Le texte, souvent confus, souffre d'un manque évident de structure. En revanche, l'auteur pose des questions pertinentes, livrant une analyse sans concession de l'attitude observée notamment par l'évêché de Fribourg.
Ce qui irrite en particulier Gérard Falcioni, c'est le mutisme de l'Eglise, qui ne livrera des informations sur les abus sexuels en son sein qu'au compte-gouttes, sous la pression médiatique. Et lorsqu'un cas devient évident, elle cherche à le minimiser, s'emporte-t-il.
«L'argument selon lequel des abus sexuels sont commis, de loin pour la plus grande partie, par d'autres personnes que des gens d'Eglise reviendra souvent dans la bouche des évêques et de leurs porte-parole. Cela n'est pas faux, mais c'est une interférence qui me paraît plutôt utilisée pour brouiller les pistes», écrit-il. Puis, plus loin: «A-t-on déjà entendu de la part d'un club sportif, d'une institution scolaire ou d'une association spécialisée dans l'éducation, qui seraient touchés par de tels problèmes, cette argumentation: au sein de l'Eglise, on fait de même?»
Véritable réquisitoire
Sans hausser le ton, mais avec des mots trempés dans l'acide, l'auteur dresse, au fil des pages, un réquisitoire contre les pratiques, passées et actuelles, de l'Eglise catholique en matière d'abus sexuels. Il déplore l'omerta qui a régné pendant trop longtemps, en particulier en Valais, transformant les victimes en pestiférés alors que les curés fautifs étaient, au pire, déplacés. Il dénonce des mensonges comme celui de Mgr Genoud, qui déclare en 2002 à la TSR qu'il ne connaît pas d'autre victime que celle qui venait de témoigner lors d'une émission Temps Présent, ou celui, récent, de l'évêque du Valais, qui raconte qu'il n'y a pas d'abusé dans son diocèse, à l'exception de Gérard Falcioni. Selon les témoignages qu'il a récoltés, ce dernier aurait pourtant, dans les deux cas, la preuve du contraire.
Se défendant de vouloir polémiquer, l'auteur exige que les victimes soient reconnues et demande au clergé d'assumer ses responsabilités. Me Charles Poncet, qui signe la préface, donne écho à ce vœu: «Il est totalement inadmissible que l'Eglise catholique se refuse à indemniser les victimes de ces prêtres. De ce point de vue, l'ouvrage de Gérard Falcioni apporte un cri d'indignation bienvenu.»
*Le clergé romand face à la pédophilie, Gérard Falcioni, Editions Mon Village.