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Les penseurs de l'économie privée plaident pour une Suisse redécoupée en six régions métropolitaines

Pour mettre fin au fédéralisme miniaturisé, Avenir Suisse lance la discussion sur la création d'un nouvel échelon administratif à géométrie variable: les régions fonctionnelles. Les zones rurales seraient plus ou moins abandonnées à leur sort.

L'image positive du fédéralisme à la Suisse que nous renvoient la plupart des pays étrangers est trompeuse. La Suisse est le pays le plus fragmenté au monde. Avec pour conséquences des structures trop lourdes, des doublons, un service public trop coûteux. En une phrase et en résumé: un frein à la croissance. Le constat émane d'Avenir suisse, le réservoir à idées de l'économie privée. Qui propose, pour mettre fin à ce «fédéralisme miniaturisé», de créer un nouvel échelon de décision à géométrie variable, celui des régions fonctionnelles.

Avenir Suisse part d'un modèle organisé autour de six régions métropolitaines, découpées selon le flux des pendulaires vers une ville centre. Zurich, la plus grande, toucherait pas moins de 11 cantons et rassemblerait 37,6% du PIB, quelques pour cent de plus que sa population. En Suisse romande, «pour des raisons statistiques», Genève et Lausanne forment deux régions distinctes. Genève engloberait Nyon, l'agglomération neuchâteloise serait écartelée entre les pôles de Berne et de Lausanne, et Fribourg rattachée à celui de Berne.

Selon l'économiste Hansjörg Blöchliger, qui a présenté lundi à Berne les conclusions de son étude, il n'y a quasiment qu'en Suisse que les régions économiques débordent du cadre politique. Aspect positif: le fédéralisme suisse se distingue par un haut taux de redistribution, qui garantit un bon équilibre entre les régions. Mais les problèmes qui s'ensuivent menacent même d'étouffer les grands centres économiques. Non seulement, comme Zurich, ils doivent se coordonner avec une multitude d'autres entités régionales, mais, en plus, ils doivent redonner une grande part de la plus-value générée sur leur territoire. Avenir Suisse n'en considère pas moins indispensable de continuer sur la voie de la nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Les modifications constitutionnelles adoptées en novembre dernier peuvent être considérées comme une première étape de taille: tout dépend maintenant d'une application rigoureuse de ces principes, qui tienne sur la durée.

Le modèle de régions fonctionnelles dotées d'une assise constitutionnelle vise à simplifier les prises de décision par-dessus les frontières cantonales. Et à garantir une plus grande participation démocratique. Contrairement aux concordats cantonaux, par exemple, où les décisions se prennent au niveau des exécutifs, elles auraient des institutions élues. Pour Hansjörg Blöchliger, la crainte de créer d'autres doublons avec ce nouvel étage administratif est complètement infondée: «Ces régions n'assumeraient que peu de tâches. Je vois pour l'essentiel trois priorités: les transports, les hôpitaux et les hautes écoles spécialisées. Et, pour cela, les zones territoriales se recouperaient en grande partie, elles ne se multiplieraient pas à l'infini.» Hansjörg Blöchliger ne croit pas à la fusion de cantons: «C'est un cul-de-sac. Mais, avec le temps, les régions fonctionnelles assumeraient des tâches cantonales.» C'est, selon lui, la seule manière de contrer les tendances centralisatrices qui se manifestent dans le domaine de l'école primaire et de la médecine de pointe, par exemple. A un niveau politique, seule la Constituante zurichoise a retenu dans une première version l'idée de telles régions fonctionnelles, mais n'a pas poursuivi. Cela ne décourage pas Hansjörg Blöchliger: «C'est la première fois que l'idée est poussée si loin. Je suis sûr qu'elle va être reprise ailleurs.»

Avenir Suisse reste toutefois muet sur le sort des localités qui ne sont pas rattachées à un centre métropolitain, et tombent sous l'appellation de zones rurales. «C'est une décision politique de savoir s'il faut les soutenir économiquement ou s'il vaut mieux consacrer davantage de moyens aux grandes agglomérations», répond Hansjörg Blöchliger. Réponse d'Eugen Arpagaus, chef de l'Office grison de l'économie, du tourisme et de la promotion économique, invité à la conférence de presse pour donner son avis: «Chaque espace a un certain potentiel. Et toutes ces idées ne servent à rien si elles ne sont pas portées par la base.» Benedikt Würth, président de Jona (SG), a rendu attentif, lui, «au poids de l'histoire». Sa commune est engagée dans un processus de fusion avec la voisine Rapperswil. Une démarche menée soigneusement pas à pas depuis plusieurs années et qui devrait aboutir cet été. «C'est étonnant comme des faits vieux de deux cents ans remontent encore de manière complètement émotionnelle», a-t-il déclaré.

Hansjörg Blöchliger/Avenir Suisse: Baustelle Föderalismus, Verlag NZZ, 58 francs (seulement en allemand).