Permettre aux cantons et aux communes d’accueillir directement des réfugiés serait possible mais compliqué
Asile
L’accueil des réfugiés relève pour l’heure de la Confédération. Un transfert de cette responsabilité aux cantons et communes serait envisageable selon une étude, à condition de procéder à d’importants ajustements législatifs et financiers

Transférer des compétences d’accueil des réfugiés vers les cantons ou les communes, qui seraient plus généreux en la matière que la Confédération? L’idée revient souvent, mais elle nécessiterait de nombreux accords et des ajustements importants, selon une étude publiée mardi.
La Confédération a été critiquée notamment lors de la crise des réfugiés en Grèce en 2015 ou en Afghanistan l’an dernier. Des voix se sont alors élevées, et s’élèvent régulièrement, dans les milieux politiques et la société pour demander plus de générosité dans l’accueil de réfugiés de guerre. Référence est souvent faite à d’autres pays, où des partenaires privés sont davantage impliqués. Dans ce cadre, plusieurs villes et communes de Suisse se sont montrées prêtes à accueillir directement des personnes à protéger. Un transfert de compétences serait envisageable mais exigerait d’importants ajustements législatifs et financiers, conclut une étude commandée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM).
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Accords politiques nécessaires
Par exemple, le droit en vigueur n’autorise pas les cantons ou les villes à procéder eux-mêmes à la sélection. Il faudrait aussi permettre un plus fort engagement financier des cantons, villes ou communes. Des accords politiques entre les cantons et les villes et communes seraient aussi nécessaires, notamment en ce qui concerne le processus de répartition, afin d’augmenter les quotas d’accueil. D’autres questions seraient encore à clarifier, liées aux subventions, à l’aide sociale ou à l’intégration.
Ces éventuelles actions cantonales ou communales pourraient inclure dans les critères les qualifications professionnelles ou les liens familiaux avec des personnes dans d’autres Etats tiers. Il n’y aurait pas besoin non plus de la reconnaissance de la qualité de réfugié par le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). Actuellement, le programme de réinstallation de la Confédération ne prend en compte que la vulnérabilité et le besoin de protection des réfugiés, rappelle le SEM.
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Visas humanitaires partout dans le monde
Le rapport montre par ailleurs que la Suisse utilise déjà la plupart des outils mis en place à l’international en matière d’accueil de réfugiés. Dans le cadre de son programme de réinstallation, elle accueille chaque année plusieurs centaines de réfugiés provenant de régions en crise. Parallèlement à ce programme, Berne permet déjà le regroupement familial et octroie des visas de formation ou de travail. Elle permet aussi de demander un visa humanitaire auprès d’une représentation suisse à l’étranger, faisant partie des rares pays à proposer cela.
Le SEM concède en revanche qu’en comparaison internationale, la Suisse n’a pas recours aux programmes de parrainage privés et aux couloirs humanitaires, co-financés par des acteurs religieux ou civils. Certains éléments font toutefois déjà partie de la procédure helvétique. Ces outils soulèvent deux problématiques, selon le SEM. Ils ne se basent pas forcément que sur des critères humanitaires mais aussi par exemple sur des critères d’appartenance religieuse, ce qui pose des questions liées à la non-discrimination. En outre, ils reposent sur des sources de financement privées. Cela veut dire que c’est l’Etat qui doit prendre le relais en cas de financement épuisé, de difficultés d’intégration ou si la dépendance à l’aide sociale se prolonge.
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Une base de discussions
Depuis la ratification de la Convention de Genève en 1955, la Suisse a régulièrement admis des groupes de réfugiés. Cet accueil a été suspendu après l’afflux de personnes à la suite des conflits en ex-Yougoslavie dans les années 1990. Berne a renoué avec sa tradition humanitaire en 2013 avec le début de la guerre civile en Syrie, sur la base de décisions du Conseil fédéral puis sur des programmes annuels. En 2019, le gouvernement s’est engagé sur des contingentements d’accueil de 1500 à 2000 réfugiés reconnus par le HCR dans le cadre de programmes biennaux de réinstallation.
La guerre en Ukraine, déclenchée en février, a poussé la Suisse à utiliser pour la première fois le statut S. Le rapport ne s’est pas intéressé aux possibilités liées à l’octroi de ce statut de protection.
Le document sera une base solide pour d’éventuelles discussions ultérieures, note enfin le SEM. Un groupe de travail réunit depuis 2018 la Confédération, les cantons, les villes, les communes, le HCR et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés. Les exigences et attentes divergent parmi les membres.