«Nous partons de l’idée qu’il est toujours en vie. Nous avons des indices», martèle le commandant de la police bernoise, Stefan Blättler. Quels indices? La police a-t-elle retrouvé des traces de Peter K. depuis qu’il a filé? Stefan Blättler refuse de répondre. Pour faire bonne figure, jeudi, le commandant était accompagné du ministre bernois de la Police, Hans-Jürg Käser, venu défendre l’intervention policière et dire tout le mal qu’il pense des railleries. «On n’est pas dans une série télévisée où l’intrigue se résout en 45 minutes», ironise-t-il, déclarant qu’une fois Peter K. appréhendé, il sera temps d’analyser le travail des policiers.
En attendant, un homme tient tête à des centaines de policiers. Quel homme? Se basant sur les longues lettres dactylographiées signées Peter K. qu’il avait sous les yeux, le préfet adjoint de Bienne, Philippe Garbani, l’avait qualifié de paranoïaque en fin de semaine passée (LT du 11.09.2010). Peut-être le fugitif est-il aussi mythomane. Dans les informations qu’il fournissait sur son parcours, au travers des échanges épistolaires, l’homme se disait mathématicien, ayant enseigné au Technicum de Bienne dont il aurait été licencié pour avoir refusé de se mettre à l’informatique. Or, il n’y a pas trace de Peter K. en tant que prof de maths dans les écoles de Bienne. L’enquête menée par la TSR aboutit au même constat. Sa voisine depuis 29 ans au chemin Mon-Désir dit ne jamais l’avoir vu partir le matin avec un cartable.
Peter K. a excellé dans la capacité à se faire oublier. Depuis 1976, il a disparu des registres. Le fisc n’a pas connaissance qu’il aurait été salarié depuis 1990. Certes, les autorités ont eu affaire à lui. Dans la procédure d’héritage de la maison de ses parents décédés en 2000 et 2001, il n’a pas réglé les émoluments notariés. Il a été condamné à 300 francs d’amende pour ne pas s’être annoncé au contrôle des habitants. En 2006, un juge demandait à l’autorité tutélaire de Bienne de lui assigner un tuteur. Mais les procédures n’ont pas abouti: Peter K. ne répond pas quand on frappe à sa porte.
D’abord dépeint comme un «vieil homme déprimé et en colère», Peter K. est désormais qualifié par la police de «dangereux malfaiteur, supérieurement intelligent, qui aurait tout planifié avec une incroyable perfection». Ce portrait résiste difficilement aux faits rapportés par la même police. S’il s’était si bien préparé au «combat final» avec les autorités, pourquoi Peter K. a-t-il laissé dans sa maison son journal intime, des armes et, surtout, 50 000 francs, alors que ses ennuis avec les pouvoirs publics découlaient de factures impayées? «C’est tellement atypique, hors norme, qu’on ne peut rien déduire ni faire de pronostic», avoue, impuissant, un criminologue qui ne souhaite pas interférer dans l’enquête bernoise.
Le commandant Blättler affirme que toute l’affaire tourne autour du sort réservé à la maison de Peter K., qu’il refusait de voir vendue aux enchères. Le policier est persuadé que le fugitif est toujours à Bienne et dans sa région. Pourtant, depuis une semaine, Peter K. ne semble pas être retourné près de sa maison.
La police ajoute à la confusion. Sa stratégie de communication déroute. Après les cafouillages du début, elle délivre un message quotidien, laconique, qui assène que Peter K. est dangereux, mais elle prétend que la population ne court pas grand risque. Au fil des jours, le mystère qui plane sur Peter K. s’épaissit.