Réseau
Après cinq ans de gestation, le premier réseau de bibliothèques à l’échelle nationale a officiellement vu le jour ce lundi. Le Swiss Library Service Platform rassemble désormais 470 établissements à travers le pays

Si vous êtes un usager régulier des bibliothèques, vous avez peut-être noté des difficultés à utiliser certains services depuis quelques jours ou reçu un message vous invitant à créer un nouveau compte d’utilisateur. Ces petits désagréments sont dus à l’entrée en fonction ce lundi 7 décembre de la plateforme Swisscovery du premier réseau national de bibliothèques, le Swiss Library Service Platform (SLSP).
Ce projet initié en 2015 par 15 établissements rassemble les catalogues de plus de 470 bibliothèques scientifiques suisses. «Elles ont toutes une vocation scientifique, mais au sens large, précise Thomas Marty, directeur de SLSP SA. Nous avons par exemple les Archives de la ville de Genève ou la bibliothèque de la communauté de culte israélite de Zurich. Ce sont donc des bibliothèques qui ont un caractère scientifique mais qui accueillent un public qui n’est pas uniquement composé de chercheurs et d’étudiants.» D’autres bibliothèques devraient être intégrées dans les deux-trois ans à venir, notamment celles de l’administration fédérale et la Bibliothèque nationale.
Plusieurs milliards de références
La création de ce réseau national met fin à la cohabitation en parallèle de certains réseaux régionaux. «Nous passons à une plateforme de service de nouvelle génération, unique et nationale, qui permet d’accéder à la fois aux ressources papier et électronique depuis la même interface, détaille Marie Fuselier, directrice de la division de l’information scientifique à l’Unige. Et qui ouvre des possibilités de prêt à travers toute la Suisse.» Swisscovery, c’est la création d’un catalogue pour les bibliothèques scientifiques de 40 millions de livres, séries, revues et documents divers et surtout de plus de 3 milliards d’articles électroniques.
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«L’Université de Genève s’est fortement investie dès le début de ce projet. Nous aurons des frais d’exploitation plus ou moins équivalents à ce que nous avions dans RERO [Réseau des bibliothèques de Suisse occidentale ndlr], mais avec un niveau de service supérieur, ajoute Marie Fuselier. C’était une des conditions de l’engagement de l’université dans le projet.» Cette dernière est l’une des 15 institutions fondatrices du projet, dont elles sont aussi aujourd’hui les actionnaires.
Le budget annuel du SLSP sera compris entre 9 et 10 millions de francs, financé par les contributions des bibliothèques membres. Le montant de ces contributions dépendra du nombre d’équivalents temps plein employé par chacune. «Ce modèle sera réexaminé durant les deux premières années pour être éventuellement adapté en 2023», précise Thomas Marty. Cette méthode de financement permet de prendre en compte l’hétérogénéité des bibliothèques du réseau. C’est aussi pour pouvoir intégrer leurs différentes structures, privé ou publique, que le SLSP a pris la forme d’une société anonyme à but non lucratif.
Des réseaux en évolution
Barrières linguistiques, technologies différentes en usage, transfert des données… Il a fallu surmonter de nombreuses difficultés pour mettre en place ce réseau national dont l’idée n’est pas nouvelle. «En 2014, il y a eu une fenêtre d’opportunité pour initier le projet puisque, côté alémanique, il y avait un rapprochement des réseaux existants. Et côté romand, le canton de Vaud avait décidé de se retirer du réseau RERO», rappelle Thomas Marty. Ces différents éléments ont permis l’initiation de ce projet, qui aura mis six ans à aboutir.
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Avec le départ des bibliothèques universitaires vers le SLSP, le Réseau des bibliothèques de Suisse occidentale prépare sa transformation pour se recentrer sur les bibliothèques publiques, en prenant la forme d’une fondation. «Actuellement, ce réseau est le fruit d’une convention entre des cantons, la ville de Genève et des institutions fédérales, tandis que la fondation RERO +, créée par les cantons du Jura, de Neuchâtel et du Valais, ainsi que la ville de Martigny, deviendra un centre de compétences qui vendra ses services aux bibliothèques», précise son directeur, Miguel Moreira. Cette nouvelle fondation devrait travailler en collaboration avec le SLSP, mais à la différence de ce dernier, le RERO développe actuellement une solution en accès libre, quand les logiciels du réseau national ont été fournis par la société Ex Libris.
Pour sa part, le réseau Renouvaud, mis en place par le canton de Vaud après sa sortie du RERO, continuera d’exister plus ou moins dans sa forme actuelle. «Les outils utilisés par le SLSP sont les mêmes que ceux que nous avons mis en place en 2016, souligne Jeannette Frey, présidente de Renouvaud et directrice de la BCU de Lausanne. Il est certain que nous allons travailler ensemble, mais cette intégration pourra prendre plusieurs formes. Il faut laisser du temps à nos collègues pour apprivoiser ces nouveaux outils.» Plutôt associé au calme, le monde des bibliothèques suisses devrait encore connaître quelques remous.