Un Tessinois, une femme et un jeune. Entre Ignazio Cassis, Isabelle Moret et Pierre Maudet, le groupe parlementaire du PLR aura le choix le 1er septembre au moment de désigner son ticket de candidats. Pas forcément sur le plan du positionnement politique: leurs profils smartvote se ressemblent comme trois gouttes d’eau. Nous dressons le portrait de chacun d'entre eux.

Ignazio Cassis, l’homme aux deux visages

 

Depuis dimanche, Pierre Maudet, en vacances jusqu’à ce vendredi, sillonne la Suisse accompagné de Sébastien Leprat, un fin connaisseur de la Berne fédérale, membre du PLR et en congé temporaire de sa fonction de responsable des relations extérieures de l’Aéroport de Genève. Après une apparition au Marché-concours de Saignelégier, où il a croisé Ignazio Cassis, il s’est lancé dans ce qu’il appelle lui-même un «marathon» électoral à travers la Suisse alémanique.

Son budget de campagne est connu: 20 000 francs, la moitié étant payée de sa poche et l’autre par le PLR genevois. A Berne, mais aussi à Zurich et dans d’autres villes d’outre-Sarine, il a rencontré de nombreux membres du parti, des représentants de l’économie et a pu profiter de la reprise des séances de commissions parlementaires pour discuter avec de nombreux élus fédéraux. «Notamment des conseillers aux Etats, qui sont souvent d’anciens collègues rencontrés dans les conférences gouvernementales intercantonales où je siège. J’utilise le réseau des cantons», détaille-t-il.

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«Je ne parle pas de tactique»

De quoi parle-t-il avec ses interlocuteurs? «De contenu. Je ne parle pas de tactique.» C’est en effet sur le contenu, sur ses propositions pour la Suisse de demain que le conseiller d’Etat genevois souhaite être jaugé et jugé. Ses réflexions portent en particulier sur la cybersécurité, le défi numérique, les relations entre la Suisse et l’UE qu’il propose d’apaiser par un recours à un tribunal d’arbitrage en cas de divergence d’interprétation des accords bilatéraux, un fonds souverain alimenté par une partie des actifs de la BNS et la lutte contre le terrorisme et l’immigration illégale.

Sur ces deux derniers points, il affiche, dans sa fonction de conseiller d’Etat, une position très ferme. Il a par exemple mis sur pied un mécanisme d’inspection paritaire des entreprises pour lutter contre le travail au noir, ce qui ne l’a pas empêché de régulariser discrètement 600 travailleurs clandestins dans le cadre d’une opération baptisée «Papyrus» restée largement incomprise outre-Sarine. Par ailleurs, il se prévaut de son expérience pour affirmer qu’il est tout aussi bien armé qu’Ignazio Cassis pour régler les questions migratoires et salariales qui minent le Tessin.

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Tombé jeune dans la marmite politique

En 2011, alors qu’il était encore conseiller administratif en ville de Genève, Pierre Maudet, capitaine à l’armée, s’était illustré par le contre-concept de sécurité qu’il avait opposé au ministre de la Défense Ueli Maurer, dont la notion de «meilleure armée du monde» avait déclenché de nombreux ricanements. Il militait pour une armée de volontaires de 20 000 hommes et la création d’un Département fédéral de la sécurité réunissant l’armée, la police fédérale, les gardes-frontières ou encore la sécurité nucléaire. Il considérait alors Ueli Maurer comme la «plus grande menace pour la sécurité de la Suisse». A l’UDC, on n’a pas oublié cet épisode. Le Genevois ne pourra pas espérer glaner beaucoup de suffrages dans ce parti.

Tombé dans la marmite de la politique dès l’adolescence, Pierre Maudet, né le 6 mars 1978, a connu une ascension fulgurante. Président du Parti radical genevois de 2005 à 2007, conseiller administratif de 2007 à 2012 (maire en 2011-2012), admirateur de Jean-Pascal Delamuraz et de Pascal Couchepin, il siège au Conseil d’Etat depuis juin 2012 et dirige le Département de la sécurité et de l’économie. Il devrait, si sa carrière ne le déroute pas vers Berne cet automne, devenir président du gouvernement genevois l’an prochain. Il n’est pas un inconnu sur la scène fédérale, puisqu’il a présidé la commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse de 2005 à 2015. Mais sa notoriété se limite à certains cercles précis. Or, cela fait longtemps que cet ambitieux garde un œil sur Berne. Pour «vendre» sa candidature, il fait valoir ses dix ans de pratique gouvernementale, un atout dont ne disposent ni Isabelle Moret ni Ignazio Cassis.

Un site internet de campagne

Il a transformé son site Internet, qui ouvre sur la mention «Pierre Maudet, candidat au Conseil fédéral», en béquille de campagne. Il le présente comme un «espace de dialogue et d’échange d’idées» et y décline ses nombreuses réalisations. Il se défend de présenter un programme électoral, mais sa vision nommée «Croire en la Suisse» a des accents parfois macronistes, au point qu’elle s’assimile en fin de compte à un programme politique. C’est d’ailleurs à double tranchant. D’un côté, cette démarche lui permet d’afficher son dynamisme, sa détermination, de faire connaître ses idées et de discuter des équilibres au sein de la droite majoritaire au Conseil fédéral et entre le gouvernement et le parlement.

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De l’autre, elle l’expose à la critique: Pierre Maudet prend le risque de donner de lui l’image du premier de classe qui sait tout mieux que les autres. Alors même qu’il est considéré comme un vrai talent politique, cette image lui colle à la peau à Genève. Elle risque de s’étendre au reste du pays s’il «challenge» – le mot est de lui – trop frontalement les membres de l’Assemblée fédérale qui, eux seuls, composent le corps électoral pour la désignation des membres du Conseil fédéral.