La piqûre, la carotte et le bâton
Les Suisses ont repris le chemin des centres de vaccination, craignant les nouvelles mesures. On peut ratiociner longtemps sur la liberté individuelle et la responsabilité collective, mais ce qui marche encore le mieux, c’est de toucher au confort ou au porte-monnaie

L’idée est belle. Assurer la liberté de chacun quant au vaccin, en assumer collectivement les conséquences. Informer, convaincre, être transparent autant que la recherche le permette, appeler à la raison sanitaire comme à la solidarité, et laisser le libre arbitre. Le pari est aussi beau que la société mûre, pensait-on.
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Et pourtant. Cet été, les Suisses ont préféré le soleil des vacances aux ombres du covid, désertant les centres de vaccination. Et la méchante courbe est repartie à la hausse, menaçant une nouvelle fois les hôpitaux.
Soudain, voici les belles théories à l’épreuve du feu. Sans qu’il fût nécessaire à Alain Berset de faire œuvre d’autoritarisme sur le modèle Macron – une impossibilité, de toute manière, vu le système politique suisse –, il aura suffi de rendre les tests payants et d’envisager l’obligation du sésame sanitaire dans les restaurants ou les salles de sport pour que la vaccination redémarre. D’où il faut tirer cet enseignement: on peut ratiociner longtemps sur la liberté individuelle et la responsabilité collective, mais ce qui marche encore le mieux, c’est de toucher au confort ou au porte-monnaie.
La liberté des uns vaudra plus que celle des autres
D’un côté, ce constat est désolant. Car le langage de la carotte et du bâton est évidemment moins glorieux que celui de la responsabilité et du pragmatisme devant une pandémie qui joue les prolongations. Mais il a l’avantage de porter, contrairement à la belle idée de liberté. Pourtant, attardons-nous sur ce concept: les réticents au vaccin – nous ne parlons pas ici des antivax purs et durs envers qui aucun argument d’ordre rationnel ne portera jamais – font valoir que les mesures contrarient leur liberté. C’est exact. Mais si rien n’est entrepris pour que l’immunité collective arrive avant la saint-glinglin, la société tout entière va souffrir: les corps et les âmes seront touchés, les liens sociaux de nouveau mis à mal, des secteurs entiers de l’économie refermés. Et la facture sera payée par tous. Les vaccinés assumeront donc les coûts pour une minorité dont la liberté, soudain, vaudra plus que la leur.
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Ce conflit n’est pas près de se résoudre. Il faut donc faire le deuil d’une issue qui satisfasse tout le monde. Les vaccino-sceptiques ont beau jeu de prétendre qu’ils ne sont en rien les artisans d’un genre de guerre froide menaçant la cohésion sociale. Car les vaccinés rétorquent que c’est à eux d’assumer le poids de leur refus, et non à la collectivité. Si, dans ce débat impossible, la pression du politique pouvait servir à convaincre un nombre suffisant pour éviter la crise sanitaire, ce serait un moindre mal. Qui veut encore souffrir de restrictions et de confinement? Ce n’est pas exactement l’idée qu’on se fait de la liberté.
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