Justice
Absentes lors de l’interrogatoire de l’ancien chef de guerre, les parties plaignantes seront à Bellinzone le 15 février pour la reprise des débats. Une semaine entière est prévue pour l’audition de ces habitants du district du Lofa qui affirment avoir été victimes de la cruauté du prévenu

Personne n’y croyait plus vraiment, et pourtant. Six des sept parties plaignantes pourront être présentes à Bellinzone lors la reprise prochaine du procès d’Alieu Kosiah, accusé de crimes de guerre pour de multiples atrocités commises au Liberia en sa qualité de commandant d’un groupe armé. Les victimes de ce sanglant conflit, qui affirment avoir souffert tout particulièrement de la cruauté du prévenu, ont embarqué lundi soir dans un avion et ont atterri ce matin à Genève, confirment au Temps leurs avocats. «Dans les circonstances actuelles, il n’a certes pas été simple d’organiser tout cela. On peut se montrer satisfait que toutes ces personnes soient présentes. Elles avaient envie de déposer ici, et pas par le biais d’une caméra», relève Me Romain Wavre.
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Les débats, qui s’étaient ouverts début décembre avec les questions préjudicielles et l’interrogatoire d’Alieu Kosiah, doivent reprendre le 15 février et durer trois semaines. La première est réservée à l’audition des parties plaignantes. «Ce moment est important pour nos clients. On a passé une semaine à entendre les dénégations et les mensonges du prévenu. Le temps est venu d’entendre la voix des victimes», souligne encore Me Romain Wavre, également actif au sein de l’ONG Civitas Maxima. La seconde semaine devrait voir défiler des témoins, qui doivent eux aussi venir pour la plupart du Liberia, et la dernière sera consacrée aux plaidoiries.
Changement de stratégie
Visiblement, le Tribunal pénal fédéral, qui mène ici son premier procès dans le domaine du droit pénal international, a fini par se montrer sensible au besoin d’une confrontation plus immédiate. La cour a ainsi décidé de convoquer les parties plaignantes et les témoins aux débats, plutôt que d’envisager des vidéoconférences dont l’organisation sur place s’avère encore plus compliquée, faute d’ambassade suisse à Monrovia et de bonnes volontés dans la région.
L’interrogatoire du prévenu a certes déjà eu lieu en l’absence de ceux qui voulaient le regarder droit dans les yeux et entendre ce qu’il avait à dire. Pour limiter les défauts de l’exercice, les juges ont toutefois ordonné l’enregistrement des propos de l’ancien commandant rebelle. La vidéo, qui peut être diffusée uniquement dans les locaux du tribunal et dans les études des avocats, sera vue par les parties plaignantes avant leur audition à Bellinzone.
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Complications à répétition
Rappelons que ce procès historique s’est transformé en véritable casse-tête pour le tribunal. Le sort s’est acharné sur cette audience qui devait se tenir sur deux semaines au mois d’avril 2020, puis en août, avant d’occuper au moins quatre semaines dès la fin de novembre et d’être finalement coupée en tranches. La crise sanitaire, la suppression des vols, des complications techniques et des réticences diplomatiques ont empêché la venue ou l’audition par vidéoconférence des plaignants et des témoins domiciliés dans ce district reculé de Lofa, théâtre d’un conflit sanglant il y a plus d’un quart de siècle.
Etabli en Suisse depuis 1998 et détenu depuis novembre 2014, le prévenu, âgé aujourd’hui de 45 ans, défendu par Me Dimitri Gianoli, affronte des accusations gravissimes et conteste toutes les exactions reprochées. En sa qualité de commandant d’un groupe armé de l’Ulimo (Mouvement uni de libération du Liberia pour la démocratie), il aurait enrôlé un enfant soldat, traité cruellement des civils, ordonné pillages et transports forcés, violé une villageoise, tué ou fait tuer 18 personnes et mangé le cœur d’un enseignant de l’Eglise pentecôtiste.