Le PLR genevois voulait reprendre la main sur «l’affaire Maudet», c’est raté. Totalement divisé, son comité directeur a certes décidé qu’il fallait décider, mais qu’il était encore trop tôt pour le faire. C’est par cette formulation entortillée qu’on peut résumer l’étrange position du comité directeur, qui a préféré mardi matin l’atermoiement à la crise ouverte. Après deux heures de discussion, il a repoussé l’échéance d’un vote engageant Pierre Maudet à «prendre ses responsabilités», autrement dit à démissionner. Rendez-vous est pris pour vendredi.

Le PLR fait face à un choix dont le coût sera élevé, quelle qu’en soit l’issue. La non-décision de mardi est sans doute le signe que les uns et les autres ne sont pas d’accord sur l’évaluation des coûts des deux options sur la table, à savoir soutenir ou lâcher Pierre Maudet. A en croire nos témoins présents à cette séance, le ministre divise sans que ses soutiens ou ses détracteurs emportent une claire majorité. Pourtant, Pierre Maudet a désormais contre lui des poids lourds politiques: les trois conseillers nationaux Christian Lüscher, Benoît Genecand et Hugues Hiltpold, lui qui pourtant était titulaire du fameux Cercle Fazy-Favon qui a créé la polémique en ayant abrité la cagnotte radicale, lui qui, au mois d’août encore, n’était pas favorable à la démission de Pierre Maudet.

Ces trois élus sont bien placés pour savoir que «Genève est devenue la risée de la Suisse, même si ce n’est pas du seul fait de Pierre Maudet». Il faut ajouter à la liste de ses détracteurs officiels le président du parti, Alexandre de Senarclens, dont les efforts pour tenir la baraque dans cette tempête ne lui valent pas que des bravos. Il n’a d’ailleurs pas été élu par l’assemblée des délégués sur la liste des candidats au Conseil national. Mais leur point de vue n’aura pas suffi, mardi, à faire pencher la balance en faveur du couperet, tant il est vrai aussi qu’un vote de défiance à une courte majorité ouvrirait la voie à une crise politique majeure au sein du parti.

De nouveaux éléments à charge

Pourtant, de nouveaux éléments à charge du conseiller d’Etat ont été mis sur le tapis ce mardi matin, selon des témoins. D’abord, le montant exact du soutien financier du groupe Manotel à l’association de soutien à Pierre Maudet entre 2012 et 2018, soit 105 000 francs, une somme qui ne comprendrait pas les frais de bouche de son anniversaire dans un des hôtels du groupe. Pierre Maudet aurait restitué la dernière tranche de 25 000 francs. «L’intéressé nous dit aujourd’hui que l’association était connue des instances du parti. Soit, mais on ne savait ni de combien elle disposait, ni à quelles fins elle était destinée», rapporte un membre. Cette association de soutien aurait aussi payé la contribution personnelle de Pierre Maudet au parti (10 000 francs annuels) pendant plusieurs années.

Cette nouvelle révélation, exhumée des comptes du parti, n’a pas secoué l’assemblée, certains insistant sur l’absence de liens entre cet élément et la procédure pénale en cours. «Ces points ont été soulevés, c’est vrai, mais pas établis, estime un membre proche du ministre. On est dans un moment où tout geste qui manque éventuellement de rigueur devient scandaleux. De plus, nous étions là pour nous définir par rapport au voyage à Abu Dhabi et au mensonge, pas pour autre chose.»

De son côté, Pierre Maudet s’est contenté en début de séance de plaider sa cause en dénonçant «une cabale médiatique». Il a quitté le bal avant la fin, sur demande. «Nous sommes au bord du gouffre, rapporte un membre du comité directeur. Pierre Maudet s’accroche, prêt à entraîner les instances du parti dans sa chute, c’est du délire. Avec lui, on est toujours au théâtre. Il a joué les violons, expliqué qu’il réfléchissait à l’intérêt du canton, alors qu’en réalité il détruit tout le travail de ces dernières années.»

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Pour apaiser les esprits, ou tout au moins calmer la fièvre, des membres du comité directeur ont sorti de leur chapeau une solution originale pour surseoir à la décision: la création d’un «comité des sages», qui se substituerait au comité directeur et à la présidence. Une solution soutenue par Nathalie Fontanet, selon nos sources, mais qualifiée de «délirante» par les tenants de la fermeté, qui se demandent sur quels critères on établit un certificat de sagesse.

Si elle a finalement été écartée, elle n’en est pas moins une gifle pour le président Alexandre de Senarclens, manifestement miné par le climat délétère: «Le comité directeur a fait état de la situation, sur des éléments judiciaires et non judiciaires. Il doit désormais digérer toutes ces informations et estime qu’il est trop tôt pour prendre une décision», relate-t-il sobrement à l’issue de la réunion. «Disons plutôt que nous ne sommes plus un parti, mais une secte», assène un membre du comité directeur en manière de résumé. S’il a raison, il sera compliqué pour le PLR de remettre l’ouvrage sur le métier.