Souillée par les scandales, la police lucernoise doit changer d’organisation, estiment les autorités cantonales. Premier concerné, le commandant Beat Hensler, 55 ans, quittera ses fonctions le 15 décembre après onze ans de service. Mardi, devant les médias, celui qui fut «Monsieur sécurité» lors de l’Euro 08 a reconnu «avoir pris des décisions qu’il éviterait à l’heure actuelle».

Derrière ce demi-aveu se cache une polémique qui salit la réputation des forces de l’ordre et de l’exécutif cantonal depuis de longs mois.

Promotions indélicates

A l’origine figure une histoire de cadres de la police impliqués dans des comportements indignes – l’un d’eux aurait roué de coups son amie en 2010 – et pourtant appelés quelques mois plus tard à grader. C’est l’émission Rundschau de la télévision alémanique qui en juin révélait des cas pour le moins embarrassants, surtout pour le commandant à l’origine des promotions. Ont suivi d’autres révélations sur des comportements problématiques, notamment celles d’images vidéo d’une intervention musclée contre un cambrioleur déjà hors d’état de nuire.

Depuis que les faits ont éclaté au grand jour, 44 autres affaires sensibles ont été confiées à l’analyse de l’ancien juge cantonal bernois Jürg Sollberger. Selon son expertise, présentée en partie seulement au public, huit méritent le qualificatif de «graves». Et dans quatre cas, la réaction de Beat Hensler fut inadéquate: il aurait dû tenir informées ses autorités politiques.

Les failles dans la conduite du personnel auraient entraîné une perte de confiance aussi bien vis-à-vis des employés – la police lucernoise compte 900 membres – que de la responsable politique, la conseillère d’Etat Yvonne Schärli.

Pourtant, si l’on en croit Jürg Sollberger, la police lucernoise n’est pas plus problématique qu’une autre. Son commentaire prend tout son piment au moment où, à Zurich, des soupçons de corruption passive pèsent sur plusieurs représentants de la brigade des mœurs et défraient la chronique. A Lucerne, «le problème réside avant tout dans la façon de gérer ces cas délicats», juge l’expert mandaté.

Le gouvernement opte donc pour un changement de structure et des règles de communication. A l’avenir, le commandant de la police aura un suppléant à plein-temps. Parallèlement, les autorités veulent diminuer son pouvoir dans le processus de promotion: il devra soumettre ses candidats aux responsables politiques. De plus, en cas d’enquête sur un collaborateur des forces de l’ordre, le rôle du Ministère public sera renforcé et une coopération envisageable avec le canton d’Argovie.

Pression politique

Mardi soir, la majorité des partis ont applaudi le départ de Beat Hensler, décidé d’un commun accord. Au centre droit, on dénonce parallèlement les «manquements» de la ministre de Justice et police, la socialiste Yvonne Schärli, à laquelle l’Association des policiers lucernois reproche une communication lacunaire.

La conseillère d’Etat a répliqué devant les journalistes: «En tant que politicienne vous avez toujours une responsabilité mais ­celle-ci diffère si vous êtes informé ou si vous ne l’êtes pas.»