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La police multiethnique pour rétablir la confiance

Au Kosovo et en Serbie, l’apparition de la police multiethnique, un projet soutenu par la Suisse, peut ramener la confiance entre les forces de l’ordre et la population

de la patrouille mixte en ville de Bujanovac, en Serbie. Le projet a été mis en place par l’OSCE et la Suisse. — © Jean-Christophe Bott/Keystone
de la patrouille mixte en ville de Bujanovac, en Serbie. Le projet a été mis en place par l’OSCE et la Suisse. — © Jean-Christophe Bott/Keystone

La police multiethnique, atout des Balkans

Coopération En Serbie et au Kosovo, la Suisse soutient des équipes de police mixtes

La Swisscoy voit par ailleurs sa mission évoluer

On croirait une sortie d’école: à peine le cours achevé, la huitaine de policiers municipaux s’est dispersée, casquette à la main, comme une volée de moineaux, en se chamaillant gaiement. Il y a là des albanophones, des Serbes et un Rom. Mais rien ne distingue leur nationalité sous l’uniforme.

Ce sont les patrouilles de police mixtes que les trois communes du sud de la Serbie à dominante albanaise, dans la vallée de Presevo, ont mises sur pied depuis plusieurs années, grâce au soutien de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de la Suisse. Ici, dans cette Serbie toujours un peu sous tension, beaucoup de gens ne parlent pas le serbe et hésitaient jusqu’alors à s’adresser à la police. «La confiance revient entre la population et nous. Officiellement, on parle serbe, mais dans la réalité, c’est différent», explique un agent qui s’annonce comme albanophone.

A Bujanovac, Presevo ou Medvej­da, les tensions ne se sont pas totalement apaisées. L’an dernier encore, la querelle est montée au sujet d’un monument à l’armée de libération de la vallée, que les municipalités voulaient conserver contre l’avis des autorités. «Mais, d’une façon générale, la paix revient et il n’y a ici pas plus de délinquance que dans d’autres zones rurales», assure un officier. La police multiethnique devrait intégrer au final quelque 270 fonctionnaires «albanais», 130 Serbes et quelques Roms encore peu nombreux.

L’exemple de la police multiethnique a fait école dans les Balkans. Tout à l’opposé, dans le nord du Kosovo, dans la ville toujours divisée de Mitrovica, des membres de la communauté serbe sont progressivement incorporés au sein de la police mixte. Ce sont d’anciens factionnaires autrefois payés par la Serbie dans cette région menacée de sécession et qui, selon l’accord signé en avril 2013 entre la Serbie et le Kosovo, doivent être repris dans les organes kosovars. Ainsi, 300 policiers «serbes» sont progressivement intégrés dans les forces de police régulières du Kosovo.

A Mitrovica, une sorte d’apathie règne sur la ville. Lentement, les véhicules de la Swisscoy se faufilent entre les arbres et les derniers restes d’un barrage de bric et de broc qui obstrue encore l’une des étroites venelles de Mitrovica-Nord, la zone serbe. Mais les habitants qui bavardent près de la devanture délabrée de ce qui fut une épicerie n’y prêtent même plus attention.

«Depuis l’accord d’avril 2013, on constate ici une certaine résignation», explique l’officier suisse qui nous accompagne. Comme si la communauté serbe de l’ancienne ville minière se faisait peu à peu à l’idée que son destin était désormais lié à celui du Kosovo. Candidate à l’UE, la Serbie a dû consentir à lâcher prise dans la région où elle finançait encore l’administration et certaines infrastructures.

Certes, le célèbre pont Austerlitz qui traverse la rivière Ibar et reliait les deux communautés, est toujours interdit par un barrage de terre et de pierres. Et un blindé des carabiniers italiens de la KFOR, la force internationale sous l’égide de l’OTAN, stationne toujours à son entrée sud. Mais on est désormais davantage dans la symbolique, le rappel de la division communautariste de la ville, 65 000 albanophones au sud, 13 000 Serbes au nord, que dans le rapport de force.

C’est le colonel suisse Patrick Gauchat qui assure le commandement du Joint Regional Detachment North (JRD-Nord) pour toute cette zone du Kosovo à majorité serbe. Et sa mission, à la tête d’un contingent «neutre» de Grecs, Slovènes et Suisses, est en train d’évoluer. Alors que les forces d’interposition armée allemandes ou autrichiennes restent cantonnées dans leur camp, les officiers suisses ont désormais pour principale tâche de prendre le pouls et la température de la région. Récolter des informations auprès de la population et des autorités locales. Prévenir à temps toute crise.

Car, constate un officier suisse, les accès de mauvaise humeur ont désormais plus pour toile de fond le délabrement social et économique de la région (50% de chômage), à cause des coupures d’eau, du manque de médicaments, que des revendications identitaires.

Les dernières élections municipales, en novembre et décembre dernier, ont certes encore été marquées par des violences et le saccage de trois bureaux de vote lors du premier tour. Mais au deuxième tour, sous la forte protection de la KFOR, la participation aux urnes, que certains partis serbes voulaient boycotter, a été de plus de 22%.

Mais à Mitrovica, dans ce nord du Kosovo encore à vif, c’est de la consommation que viendra sans doute l’intégration: peu à peu, la minorité serbe du nord franchit l’un des ponts sur l’Ibar et se risque dans la partie albanophone pour profiter des prix très attrayants des rayons alimentaires du supermarché ETC. Et oublie le dinar serbe pour les prix en euros du Kosovo.

Depuis l’accord d’avril 2013 entre la Serbie et le Kosovo, on constate une certaine résignation à Mitrovica