Publicité

Première condamnation en lien avec le scandale «Oil for food»

Un négociant en pétrole a écopé d'une amende de 50000 francs pour avoir violé l'embargo irakien. Le Ministère public de la Confédération a délégué l'affaire à Genève.

Une première décision judiciaire liée aux retombées du scandale «Oil for food» en Suisse vient d'être rendue. Une ordonnance de condamnation a été prononcée par le juge d'instruction genevois Jean-Bernard Schmid contre un professionnel du trading pétrolier de la place. Ce dernier s'est vu infliger une amende de 50000 francs pour avoir violé les lois sur l'embargo imposé à l'Irak, a appris Le Temps. Cette procédure a pu être traitée rapidement après délégation opérée par le Ministère public de la Confédération (MPC).

Le magistrat confirme le prononcé d'ordonnance mais se refuse à en dire plus sur le cas ou le montant de l'amende. Une clause de confidentialité accompagne ce type de décision négociée. «Il ne s'agit pas de cacher les choses mais de permettre une justice efficace et pragmatique. La corruption de fonctionnaires étrangers n'a pas été retenue», se contente de préciser le juge Schmid.

L'enquête menée à Genève avait été initiée à la suite d'une demande d'entraide du juge français Philippe Courroye. De son côté, le MPC, saisi en novembre 2005 par le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) du cas des entreprises suisses citées par le rapport de la commission Volcker, a ouvert de multiples enquêtes de police judiciaires. Ces cas pouvaient être d'importance variable.

En l'état, la procédure fédérale ne permet pas au MPC de prononcer des ordonnances de condamnation. Cette compétence est par contre inscrite au menu de la future procédure pénale unifiée, ce qui permettra d'éviter un passage obligé par l'Office des juges d'instruction fédéraux et le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone.

En attendant, certaines mesures ont donc été prises pour régler les affaires simples tout en évitant les problèmes de prescription. Le procureur fédéral Christian Coquoz confirme avoir fait le choix de déléguer l'un de ses dossiers au juge genevois - le MPC ayant une compétence exclusive en matière de violation des embargos - pour éviter les lourdeurs de la machine judiciaire. Il n'est pas impossible que d'autres cas suivent la même voie.

Dossiers restitués au Seco

Le MPC a également passé un accord avec le Seco afin de lui restituer trois cas dont l'importance ne méritait pas une poursuite pénale. «Notre service légal examine désormais ces affaires», souligne Othmar Wyss, responsable du contrôle des exportations et des sanctions au Seco. L'administration a en effet le pouvoir d'infliger des amendes pouvant aller jusqu'à 500000 francs.

Désormais, une trentaine de procédures sont en cours, dont plus d'une vingtaine en mains du MPC, relève la porte-parole de ce dernier, Jeannette Balmer. Outre les entorses à l'embargo, ces enquêtes portent sur du blanchiment d'argent et de la corruption.

Rappelons que toutes ces affaires s'inscrivent dans le contexte du programme «Pétrole contre nourriture» lancé par l'ONU en 1995 pour permettre à l'Irak, alors présidé par Sadam Hussein, d'exporter une quantité limitée de pétrole en échange de produits de première nécessité.

«Un arrangement avec le diable», avait conclu Paul Volcker, le président de la commission qui avait détaillé dans un volumineux rapport le système qui s'était transformé en un vaste réseau de corruption.

Plus de 2500 entreprises de par le monde ont été citées dans ce rapport comme étant possiblement impliquées dans le versement de pots-de-vin, dont une trentaine de firmes helvétiques.

Le rôle joué par les négociants en pétrole avait également été relevé à cette occasion. Le régime de Bagdad avait en effet distribué à ceux qu'il tenait pour des amis et à d'autres des bons d'exportation de brut que les bénéficiaires pouvaient ensuite négocier.

A partir de 2000, l'Irak a exigé des «surcharges» - soit un bonus par rapport au prix officiel fixé par l'ONU - en échange de ces contrats. C'est autour du versement de commissions par les traders en pétrole aux allocataires des bons ou sur des comptes discrets d'agents locaux - argent dont ils devaient présumer qu'une partie finirait en Irak - que tournent certaines de ces premières affaires dites simples.