Affaire HSBC
Les explications alambiquées d'un enquêteur de la police fédérale suscitent une passe d'armes entre le président et l'avocat de la défense

En février 2010, Hervé Falciani a écrit à la Finma pour s’inquiéter des failles dans le système informatique de HSBC. Des extraits de cette lettre ont été lus au procès de l’ex-informaticien de l’établissement genevois devant le Tribunal pénal fédéral, qui s’est poursuivi mardi, toujours en l’absence de l’accusé, avec l’audition des premiers témoins.
«Violations du secret bancaire par négligence»
Dans cette lettre, Hervé Falciani ne dénonçait nullement la complicité que son ex-employeur aurait prêtée à des évadés fiscaux, mais des «violations du secret bancaire par négligence». Il s’inquiétait du fait que les informaticiens de l’établissement avaient accès à des données sensibles dont ils n’auraient normalement pas dû pouvoir prendre connaissance.
A cette époque, cela faisait déjà plus d’un an qu’Hervé Falciani avait quitté précipitamment Genève pour trouver abri en France, emportant dans ses bagages des copies de fichiers de données sur les trois quarts de la clientèle de son ex-employeur pour trouver abri en France. Sa lettre à la Finma ne peut cependant pas apprendre grand-chose à cette dernière, qui a déjà réagi à ce qui représente la plus grosse affaire de vol de données dans une banque suisse et va rendre un rapport accablant pour HSBC.
Délié du secret professionnel par son client, un avocat, qui travaille aujourd’hui pour le parquet genevois, est venu confirmer qu’il avait bel et bien été consulté par Hervé Falciani à l’époque où celui-ci travaillait encore pour la banque. Mais il n’a finalement pas accepté le mandat. Il refuse d’en dire plus au tribunal sur le contenu des discussions qu’il a eues avec lui. Il n’a pas voulu préciser en particulier si Falciani était venu le voir pour dénoncer des dysfonctionnements chez son employeur, et surtout lesquels.
Plus tôt dans la matinée, la cour a entendu un des enquêteurs spécialisé de la police judiciaire fédérale qui a travaillé sur le dossier. Celui-ci a confirmé que les fichiers rendus à la Suisse par les Français sur la base d’une procédure d’entraide avaient subi des modifications par rapport aux données saisies initialement par les Suisses au domicile d’Hervé Falciani au tout début de l’enquête, juste avant Noël 2008, avant que l’accusé ne quitte Genève.
Selon l’enquêteur, il n’est cependant pas possible, techniquement, d’établir si des données ont été ajoutées ou supprimées. Connue depuis longtemps, cette intervention des autorités françaises sur les fichiers Falciani, apparemment avérée, a alimenté de nombreuses supputations. Les Français ont-ils éliminé des listes le nom de clients trop embarrassants?
Vifs échanges
La suite de l’interrogatoire a été l’occasion de vifs échanges entre l’avocat d’Hervé Falciani, Me Marc Henzelin, et le président de la Cour. L’avocat de la défense a tenté de savoir si les données dont disposent les Français sont celles que Falciani leur a fournies spontanément, ou celles que la police française a elle-même saisies à la demande des Suisses dans le Sud de la France, là où l’accusé s’est établi après avoir quitté la Suisse à Noël 2008.
Face aux réponses alambiquées du témoin, l’avocat insiste, mais le président le coupe pour lui rappeler que, selon le code, c’est lui et lui seul qui interroge les témoins. Le ton monte.
On n’apprendra cependant pas grand-chose. L’accusation demeure elliptique sur ce point. Falciani n’a jamais nié avoir pillé les données de son employeur, ni avoir eu des contacts avec un fonctionnaire du fisc français avant même son départ en France. Mais l’enquête n’a pas permis d’établir si les autorités françaises ont utilisé exclusivement les données qu’elles ont légalement saisies auprès d’Hervé Falciani en France à la demande des Suisses, ou si elles se sont fondées sur celles que l’accusé a remis, à son arrivée en France, à son contact français.
Ce point pourrait cependant ne pas être juridiquement décisif. Pour être réalisée, l’infraction d’espionnage économique ne suppose pas nécessairement que l’accusé ait remis directement des informations à un Etat étranger. L’article 273 du code pénal s’applique en effet à celui qui «aura cherché à découvrir un secret de fabrication ou d’affaires pour le rendre accessible» à une autorité étrangère.
Le procès se poursuit mardi après-midi avec l’audition d’un second enquêteur de la police judiciaire fédérale.