La Suisse figure désormais sur la liste chinoise des pays de destination touristique. La Suisse attend cette décision depuis 1999. La procédure avait été gelée à la suite d'une plainte déposée en 2001 par une organisation de défense du peuple tibétain contre le Bureau chinois du tourisme pour discrimination raciale et propagande «anti-droits de l'homme». L'affaire a été classée par la justice zurichoise, mais la colère des Chinois a été lente à s'apaiser.
Jusqu'à présent, les agences n'avaient officiellement pas le droit de faire de la promotion en Chine pour la Suisse. Cela n'avait pas empêché une forte progression des touristes chinois en Suisses, de 20 000 nuitées en 1998 à 150 000 l'an dernier. Mais, compte tenu des difficultés à obtenir des autorisations de tourisme, ils visitaient la Suisse sous prétexte de congrès et de séminaires, à la suite d'invitations de société suisses. «La décision était importante pour nous, car l'Union européenne a obtenu le même statut en octobre», explique Michel Ferla, vice-président de Suisse Tourisme, venu tout exprès à Pékin. «Ne pas en être nous aurait exclus des circuits. Or nous pouvons viser un objectif de un million de nuitées chinoises en 2012.» L'estimation du marché est de 100 millions de clients potentiels ayant dans un avenir proche un pouvoir d'achat comparable à celui des Européens, des jeunes avides de consommer, attirés par la montagne, le mythe de Heidi, mais préférant résider dans les villes. Prudent, Michel Ferla estime le marché à 75 millions de personnes.
Ce n'est pas tout de faire venir de nouveaux clients, encore faut-il ne pas les décourager. «Nous devrons apprendre aux hôteliers suisses à les recevoir selon leurs exigences et en respectant leur personnalité, comme nous le faisons avec les touristes indiens. Il y a un gros travail, mais nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer», assure Christian Rey, président de la Fédération des hôteliers suisses. L'une des premières mesures sera de mettre de l'ordre dans les prétendues écoles hôtelières qui appâtent de jeunes Chinois sans leur offrir de véritable formation.
Au-delà de ce succès sectoriel, Pascal Couchepin a pu mesurer au Palais de l'Assemblée du peuple le chantier qui s'ouvre pour la Suisse. Le président Hu Jintao a mentionné les banques et les assurances, mais aussi le secteur de l'environnement. Rongée par la pollution, son environnement dévasté, la Chine ne parviendra pas seule à assurer son objectif de Jeux olympiques verts à Pékin.
Il ne sera pas dit non plus que la Suisse n'aura pas parlé des droits de l'homme. Mais, là, le dialogue est plus subtil, pour ne pas fermer Pékin. Au passage, Pascal Couchepin a rappelé à ses interlocuteurs les exigences des conventions des droits de l'homme, mais aussi la rencontre, cette semaine à Genève, de délégations de juristes suisses et chinois, qui travaillent dans l'ombre sur des projets concrets: adapter le code pénal aux droits de l'homme, avec un gros chantier, la formation de gardiens de prison par des spécialistes suisses. Hu Jintao a pris acte.