Pandémie
La pression des cantons a payé: le ministre de l’Intérieur Alain Berset ferme les écoles obligatoires et post-obligatoires du pays pour six semaines. Les examens finaux doivent être maintenus et se limiter à la matière enseignée en cours, demandent les syndicats

Les discussions ont duré toute la nuit entre, d’abord, les ministres romands et tessinois de l’Education, qui se sont mis d’accord sur une volonté commune de fermer les écoles. Entre Silvia Steiner, présidente de la CVIP (Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique) et Alain Berset ensuite, puis, enfin, entre le Conseil fédéral et les conseils d’Etat de différents cantons.
A 8h, vendredi matin, Alain Berset annonçait aux gouvernements cantonaux sa volonté de fermer les écoles à tous les niveaux, la décision devant cependant être acceptée par le Conseil fédéral, souligne-t-il. Il est important, écrit-il, de garantir un espace d’accueil pour les enfants dont les solutions de garde mettraient en danger des personnes à risque, ainsi que pour les enfants du personnel soignant.
Pendant la longue tractation au sein du Conseil fédéral vendredi – dont les discussions auraient eu trait à la fermeture des classes obligatoires seulement, ou post-obligatoires, ou les deux – deux cantons ont pris les devants. Vaud et Fribourg annonçaient en début d’après-midi la fermeture de leurs établissements scolaires. A 15h30, Alain Berset communique enfin la nouvelle: les écoles du pays ferment pour six semaines; les cours, tant qu’on le peut, sont maintenus par correspondance; des structures d’accueil sont maintenues dans les établissements pour les cas précités.
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Pourquoi changer?
Jusqu’ici, la doctrine du gouvernement, inspirée par l’Office fédéral de la santé publique, était catégorique: on ne ferme pas les écoles pour ne pas envoyer les jeunes, a priori peu touchés, dans le reste de la population. Pourquoi changer? Alain Berset évoque les travaux scientifiques européens qui mettent en avant la nécessité d’éviter la coexistence des jeunes dans les écoles. Il souligne l’expérience du Tessin, qui a commencé à fermer les écoles post-obligatoires: «Il aurait été de plus en plus difficile de défendre devant la population que ceux de 16 ans et plus resteraient à la maison, et pas les plus jeunes.» Et puis, il évoque à mots couverts la pression des cantons: après tout, depuis ce matin, certains ont décrété la fermeture des écoles.
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«Les examens finaux doivent être maintenus et se limiter à la matière enseignée en cours», demande Samuel Rohrbach, président du Syndicat des enseignants romands. «Nous savons que nous allons devoir compter sur les enseignants pour fournir des cours par correspondance et maintenir des structures d’accueil. Nous demandons que les personnes à risque aient le droit d’être protégées en ne venant pas travailler, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.» Le syndicat s’inquiète du télé-enseignement qui n’est pas au point. «Certains enfants ne possèdent pas d’outils informatiques pour se connecter à distance. L’école ne dispose pas de matériel suffisant pour mener cette expérience correctement.» Enfin, Samuel Rohrbach promet que «tout sera fait pour ne pas que les élèves soient laissés seuls».
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«Ce ne sont pas des vacances»
Dans un établissement scolaire secondaire lausannois, les élèves rentrent chez eux, chargés de tout leur matériel. Certains pleurent. Les professeurs leur rappellent que «ce ne sont pas des vacances», qu’il faudra travailler, même s’ils savent que la charge de travail sera drastiquement allégée. Les élèves des classes secondaires disposent tous d’une adresse e-mail, c’est par ce biais qu’ils recevront les devoirs de leur enseignante.
La ministre vaudoise de la Formation, Cesla Amarelle, détaille que «les élèves restent à la maison à partir de lundi et les enseignants sont mobilisés, mais restent, dans la mesure du possible, chez eux. L’enseignement à distance est activé pour tous les degrés et secteurs de la formation, pour l’école obligatoire, post-obligatoire, les apprentissages, les hautes écoles et l’Université de Lausanne. Tous les cours présentiels sont annulés.»
Chaque enseignant doit désormais organiser son cours à distance, la direction vaudoise de l’enseignement obligatoire fournit, en complément, des activités pédagogiques par cycle qui sont déjà en ligne. Tous les parents et élèves seront contactés par le professeur directement pour déterminer les modalités de cet enseignement à distance. Les administrations scolaires restent atteignables. «L’année n’est pas perdue, le système de formation continue. C’est important de dire cela aux élèves, surtout à ceux qui ont des examens en fin d’année», insiste Cesla Amarelle.
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Solidarité
Le personnel d’enseignement et les étudiants sont solidaires avec le personnel de santé pour faire en sorte de pallier, s’il le faut, les cas de maladie. Les écoles d’infirmières HESAV et La Source, ainsi que la Faculté de biologie et médecine prévoient un système de soutien aux institutions sanitaires.
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Les cantons sont compétents pour décider de la fermeture ou non des crèches et des garderies. Ces accueils de jour sont assurés dans le canton de Vaud, mais sont fermés à Genève. Nuria Gorrite, la présidente du gouvernement vaudois, appelle à la solidarité en demandant aux parents qui le peuvent de laisser leur place en crèche à ceux qui en ont absolument besoin.