Indemniser la moitié des 15 premières cohortes
Sur le premier point, rejoignant le Conseil des Etats, le Conseil national veut octroyer un «bonus» à la moitié des retraités de la «génération transitoire», qui regroupe les quinze années succédant l’entrée en vigueur de la réforme. Les cinq premières cohortes empocheraient 200 francs par mois, les cinq suivantes 150 et les cinq dernières 100. Un quart des nouveaux rentiers toucherait un supplément complet, et un autre quart un supplément partiel, en suivant une dégressivité en fonction du revenu. Le financement se réglerait par une cotisation de 0,24%, à répartir entre employeurs et employés. A partir d’un capital vieillesse de 430 200 francs, plus rien ne serait accordé.
Inimaginable et bien trop restrictif pour la gauche rose-verte, qui fourbit ses armes en vue d’une votation populaire. Mais suffisant pour l’UDC, le PLR et Le Centre.
Sur le principe des compensations, l’unanimité existe. En effet, la mesure phare de ce projet nommé LPP 21 consiste à abaisser le taux de conversion de 6,8 à 6%, pour suivre le déclin général du rendement des capitaux et le vieillissement démographique. Cet acte technique se traduit par une baisse des rentes vieillesse.
La gauche veut dédommager tout le monde
Les socialistes et Les Vert·e·s prônent le modèle du Conseil fédéral, élaboré par l’Union syndicale suisse, Travail. Suisse et l’Union patronale suisse. Celui-ci accorderait un supplément à tous les rentiers, et pas seulement aux quinze premières années. C’est trop cher et trop redistributif pour le centre et la droite.
Cela leur vaut une attaque frontale du tribun socialiste Pierre-Yves Maillard (VD), président de l’Union syndicale suisse. «Pourquoi n’acceptez-vous pas cette solidarité? Parce que c’est la seule qui fait contribuer les très hauts revenus. Le bloc bourgeois ne veut pas faire contribuer les riches, malgré la crise et l’inflation. A la place, vous préférez prendre trois milliards de francs au monde du travail en cotisations supplémentaires pour des baisses de rentes.»
Plus de cotisations pour les bas revenus
Dans le second grand enjeu du projet – la situation des bas revenus –, l’opposition avec la gauche s’est poursuivie. Les forces du centre et de droite ont agi pour augmenter le capital de vieillesse, en diminuant la déduction de coordination à 20% du salaire. Concrètement, cela signifie qu’un employé gagnant 25 000 francs par an (ou quelque 2000 francs par mois, sans treizième salaire) verra des cotisations prélevées sur 20 000 francs. Dans le système actuel, cela est impossible, la déduction de coordination étant fixée à quelque 25 000 francs annuels. La gauche ne voulait pas aller aussi loin, plaidant que les petits salaires perdront trop, chaque mois, en revenu net. Le Conseil des Etats promeut 15% – une divergence à éliminer.
Sur le seuil d’entrée en revanche, le Conseil national préfère camper sur le statu quo. Il le maintient aux quelque 22 000 francs en vigueur, alors que le Conseil des Etats désire l’abaisser à environ 17 000 francs. Sous cette limite, il demeurerait interdit de cotiser. Encore un différend à supprimer lors des prochaines lectures dans les deux Chambres…
Pour la majorité bourgeoise, le cap choisi est le bon. «Le compromis proposé est préférable au statu quo, en particulier pour les personnes qui travaillent à temps partiel ou qui cumulent plusieurs emplois, c’est-à-dire les femmes», soutient le centriste Benjamin Roduit (VS). La gauche «semble se tromper de réforme. Il s’agit de permettre aux personnes à bas revenus d’obtenir des rentes plus élevées grâce à une meilleure prévoyance et non de compenser les inégalités de revenus. Il y a d’autres combats pour cela.»